Des sédiments archéens dans les volcans polynésiens

Une équipe franco-allemande composée de chercheurs de l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre : CNRS / IFSTTAR / IRD / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc), du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG : CNRS / Université de Lorraine) et du centre GEOMAR de Kiel a publié dans la revue PNAS les premières mesures multi-isotopiques du soufre obtenues sur des minéraux constitutifs de laves sous-marines de la chaîne Pitcairn-Gambier en Polynésie. Cette étude montre que le soufre présente des anomalies isotopiques qui n’ont pu être formées qu’à la surface de la Terre il y a plus de 2,4 milliards d’années.

Le port de l’île de Pitcairn en Polynésie
© Colin Devey

Les volcans de points chauds, comme ceux de Polynésie, sont produits par la remontée dans le manteau terrestre de matériel profond qui fond en approchant de la surface. Les volcans polynésiens sont récents (généralement moins de 10 millions d’années) et leur alignement sur la plaque pacifique témoigne de la fixité de la source mantellique sous la plaque océanique qui, elle, migre vers le nord-est à une vitesse d’environ 10 cm/an. A l’extrémité sud-est de la chaîne Pitcairn-Gambier, l’une des quatre chaînes de Polynésie Française, se trouvent des volcans sous-marins dont l’activité est récente ou même peut-être actuelle.

L’équipe de chercheurs a étudié les laves de monts sous-marins de Pitcairn et a découvert que les sulfures présents au sein de ces laves préservent des anomalies isotopiques (notées ∆33S) dont la seule origine connue est la photochimie en atmosphère dépourvue d’oxygène. Autrement dit, cette découverte révèle que les sulfures remontés par ce point chaud ont non seulement une origine sédimentaire, mais aussi qu’ils ont été formés avant l’oxygénation de l’atmosphère il y a 2,4 Ga (milliards d’années). La modélisation des isotopes radiogéniques (Sr, Nd, Hf et Pb) complémente ce travail et montre que ces sédiments avaient sans doute un âge compris entre 2,4 et 2,8 Ga et une composition chimique particulière, très appauvrie en de nombreux éléments.

Les volcans et la plaque Pacifique traversée ayant des âges récents, cette signature archéenne ne peut provenir que de la source mantellique de la chaîne volcanique. Des sédiments archéens sont donc présents dans le manteau profond et ils ont survécu aux processus de convection et de mélanges associés pendant la moitié de l’histoire de la Terre.

Cette étude apporte des informations précieuses sur l’origine des volcans de points chauds et montre que des matériaux présents à la surface de la Terre au début de son histoire ont été recyclés dans le manteau terrestre. Par là même, elle apporte de nouvelles contraintes sur la dynamique terrestre et sur l’existence potentielle de tectonique des plaques à l’Archéen.

Figure montrant que la composition isotopique des sulfures de Pitcairn (symboles rouges) est caractérisée par des Δ33S et δ34S négatifs, signature qui n’a pu être acquise qu’entre 4,5 Ga et 2,4 Ga. Crédit : Delavault et al.

Source :
Hélène Delavault, Catherine Chauvel, Emilie Thomassot, Colin Devey and Baptiste Dazas, 2016. Sulfur and lead isotopic evidence of relic Archean sediments in the Pitcairn mantle plume, Proceedings of the National Academy of Sciences, 24 octobre 2016. DOI : 10.1073/pnas.1523805113

Contact scientifique local :
 Catherine Chauvel, ISTerre/OSUG : catherine.chauvel (at) univ-grenoble-alpes.fr 04 76 63 59 12

Cette actualité est également relayée par
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)
 l’Université Grenoble Alpes (UGA)

Mis à jour le 8 novembre 2016