Un maser interstellaire révélé grâce à des calculs quantiques

© SO/APEX & MSX/IPAC/NASA
Une équipe franco-américaine composée d’un chercheur de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG/OSUG - CNRS/UGA) en collaboration avec des scientifiques du laboratoire « Ondes et Milieux Complexes » (LOMC) et de l’Université de Virginie, vient de déterminer avec précision les probabilités de transitions collisionnelles d’une molécule organique, la méthanimine, grâce à des calculs quantiques. Ce travail théorique a permis d’expliquer la signature spectrale à 5.29 GHz de cette molécule découverte en 1973 dans le centre galactique : il s’agît d’un effet MASER. Ce résultat ouvre la voie à la détection de nouvelles molécules organiques dans le milieu interstellaire.

Des molécules sont observées partout dans l’Univers, depuis les objets du Système solaire (météorites, comètes, planètes, etc.) jusqu’aux étoiles et galaxies lointaines. Dans le milieu interstellaire, là où se forment les futures étoiles de notre galaxie, les astronomes ont identifié plus de 200 espèces chimiques différentes dont des précurseurs de biomolécules comme le cyanure d’hydrogène (HCN), l’ammoniac (NH3) ou le formaldéhyde (H2CO). Les imines (molécules contenant une liaison chimique -C=N) constituent une famille particulière car elles sont les précurseurs possibles des acides aminés (briques de base des protéines). L’étude des imines dans l’espace peut ainsi nous éclairer sur l’origine de la vie dans l’Univers.

La méthanimine (H2C=NH) est l’imine la plus simple. Elle a été découverte dans le milieu interstellaire en 1973, en direction du centre galactique, grâce à une signature spectrale à 5.29 GHz. La forte intensité du signal impliquait une quantité anormalement élevée de méthanimine dans cette région de la galaxie. Une explication possible était qu’une inversion de population produisait une amplification du signal, c’est-à-dire un MASER, analogue au célèbre effet LASER optique. Dans le milieu interstellaire les pressions sont en effet si faibles que les collisions ne sont pas assez fréquentes pour thermaliser l’énergie interne des molécules. Les effets hors-équilibre y sont la norme plutôt que l’exception. Afin de valider ce scénario, il restait néanmoins à connaître les taux de transitions collisionnelles avec une précision suffisante. C’est ce qui a été réalisé par les chercheurs de Grenoble et du Havre qui ont déterminé ces taux à l’aide d’une approche quantique. Ils ont ainsi pu modéliser le spectre de la méthanimine dans les conditions du centre galactique et confirmer l’inversion de population attendue. Ils ont par ailleurs reproduit le signal observé par le télescope géant de Green Bank (Virginie occidentale) avec une grande précision (cf. Figure).

Spectre de la méthanimine à 5.29 GHz en direction des nuages moléculaires du centre galactique. En bleu le spectre observé avec le télescope de Green Bank (Virginie, USA). En rouge le modèle MASER.
© Alexandre Faure

Ce résultat permet d’envisager la détection de nouvelles espèces chimiques très peu abondantes dans le milieu interstellaire grâce à l’effet MASER qui amplifie un signal autrement indétectable. L’identification de nouvelles molécules permettra à son tour d’enrichir notre compréhension de la chimie organique et de la complexification de la matière dans les conditions extrêmes de l’espace.


Source

Alexandre Faure, François Lique, and Anthony J. Remijan, Collisional Excitation and Weak Maser Action of Interstellar Methanimine, J. Phys. Chem. Lett., 2018, 9, pp 3199–3204, DOI : 10.1021/acs.jpclett.8b01431, 29 mai 2018

Contact scientifique local

 Alexandre Faure, IPAG/OSUG | alexandre.faure univ-grenoble-alpes.fr | 04 76 63 55 16


Cette actualité est également relayée par :

 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018