Un nouveau modèle pour estimer l’impact du dépôt d’impuretés absorbantes sur l’évolution du manteau neigeux

Dépôts de sable saharien autour du col du Lautaret (Alpes françaises), 31 mars 2016. Au-dessus du col, les précipitations neigeuses ont déjà recouvert ce dépôt. © Pascal Hagenmuller, CNRM
Afin de simuler l’impact du dépôt d’impuretés atmosphériques absorbant la lumière sur le comportement du manteau neigeux, des chercheurs du Centre national de recherches météorologiques (CNRM, CNRS / Météo-France) et de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) ont mis au point un nouveau modèle. Ils ont montré que celui-ci reproduisait de manière satisfaisante l’évolution observée du manteau neigeux sur le site expérimental du Col de Porte pendant l’hiver 2013-2014, ce qui leur a permis de quantifier l’impact du dépôt d’impuretés absorbantes. Il s’avère que l’impact direct de ce dépôt contribue pour plus de 80 % à son impact total, le reste étant lié aux effets indirects de transformation interne du manteau neigeux dus à ces impuretés.

Les impuretés absorbant la lumière qui se déposent sur le manteau neigeux (poussières désertiques, suies, résidus de combustion, particules atmosphériques, débris végétaux, etc.) altèrent la blancheur de la neige. En modifiant sa capacité à réfléchir le rayonnement solaire, ceci a pour effet direct d’accélérer la fonte de la neige. Ces dépôts ont également des conséquences indirectes sur les transformations internes du manteau neigeux, qui gouvernent également la réponse du manteau neigeux aux conditions atmosphériques, son évolution dans le temps et notamment le risque d’avalanches, avec des effets en cascade sur le devenir des glaciers, des calottes polaires et les ressources en eau.
Du fait de l’imbrication de multiples processus simultanés dans la neige, il n’est pas possible de prédire intuitivement l’impact du dépôt d’impuretés sur l’évolution de la neige et le recours à la modélisation numérique s’avère nécessaire.

Coupe verticale faite dans le manteau neigeux et montrant plusieurs couches colorées dues à des dépôts de sable (verticalement, sonde de battage utilisée ici comme repère). © Pascal Hagenmuller, CNRM

Les chercheurs du CNRM et de l’IGE ont ainsi introduit dans Crocus, un modèle multi-couches du manteau neigeux, une représentation détaillée des processus atmosphériques de dépôt des impuretés, de leur devenir au sein du manteau neigeux (concentration par tassement, entraînement par l’eau de fonte, etc.) et de leur effet sur le bilan d’énergie et l’absorption du rayonnement solaire. Ce nouveau modèle permet de simuler l’effet de ces dépôts sur le comportement global du manteau neigeux, mais également ses transformations internes.
Une expérience de modélisation a été menée en utilisant les données acquises au site expérimental du Col de Porte (1325m, Chartreuse) pendant l’hiver 2013-2014. Les observations météorologiques du site, complétées par des estimations de flux de dépôt d’impuretés provenant de modèles atmosphériques incluant une représentation explicite de ces impuretés, ont été utilisées pour alimenter le modèle Crocus. Les résultats ont été évalués au regard de l’évolution observée du manteau neigeux, tant pour la hauteur que pour les propriétés radiatives de la neige (albédo). Le modèle reproduit raisonnablement les observations et permet d’appréhender quantitativement l’impact des impuretés sur le comportement de la neige. Par exemple, au cours de la saison 2013-2014 marquée par plusieurs épisodes de dépôts de poussières sahariennes, les simulations montrent que la date de fonte du manteau neigeux est avancée de 9 jours par rapport à un manteau neigeux demeurant propre. L’effet direct du dépôt des impuretés (souillure de la neige) contribue à hauteur de plus de 80 % de leur impact total, une fraction plus faible mais non négligeable étant liée aux effets indirects de transformation interne du manteau neigeux par la présence des impuretés.

Ces résultats ouvrent de nombreuses perspectives pour mieux appréhender l’impact des impuretés atmosphériques sur la neige dans le domaine de l’étude du climat, des ressources en eau et de la prévision d’avalanches.


Source

A multi-layer physically-based snowpack model simulating direct and indirect radiative impacts of light-absorbing impurities in snow, François Tuzet, Marie Dumont, Matthieu Lafaysse, Ghislain Picard, Laurent Arnaud, Didier Voisin, Yves Lejeune, Luc Charrois, Pierre Nabat, et Samuel Morin, The Cryosphere, 11, 2633-2653, 2017
DOI : 10.5194/tc-11-2633-2017

Contacts scientifiques

 Marie Dumont, CNRM/OSUG, marie.dumont[at]univ-grenoble-alpes.fr, 04 76 63 79 07
 Ghislain Picard, IGE/OSUG, ghislain.picard[at]univ-grenoble-alpes.fr, 04 76 82 42 45

Cette actualité est également relayée par

 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018