Entre l’eau et le feu des volcans au Pérou

Sous les volcans, l’eau et le feu cohabitent et génèrent les systèmes dits « hydrothermaux » : des « machines à vapeur » complexes dont certaines manifestations, des fumées blanches appelées « fumerolles », s’observent parfois à la surface. Des chercheurs de l’ISTerre et leurs partenaires viennent de montrer pourquoi ces réservoirs ne se trouvent pas toujours centrés sous les sommets volcaniques. Pour certains édifices comme le Ticsani et l’Ubinas au Pérou, où les volcanologues ont mené leur étude, des résurgences surviennent à plus de 10 km de la cime du dôme. Leur modèle numérique révèle que la position des systèmes hydrothermaux dépend de la topographie régionale, qui peut dévier de manière significative les écoulements souterrains.

Le volcan Ticsani, non loin de la ville de Moquega au Pérou
© IRD / S. Byrdina
© IRD / S. Byrdina

Témoins de l’activité volcanique

La plupart des volcans actifs possèdent dans leurs entrailles un système hydrothermal, issu de l’infiltration des eaux de pluies qui, au contact du magma, s’acidifient, se réchauffent, bouillonnent et se transforment en partie en vapeur. Les variations de la circulation et de l’importance de ces fluides liquides ou gazeux reflètent l’évolution de l’activité volcanique. Lors de certains événements éruptifs, lorsque le magma se fragmente au contact du système hydrothermal, des éruptions de type explosif peuvent se produire. À long terme, cet hydrothermalisme peut également contribuer à déstabiliser l’édifice volcanique, en altérant les roches. Sa position témoigne aussi de la perméabilité des roches volcaniques. Le situer avec précision dans le sous-sol permet de mieux estimer cette perméabilité, un des paramètres clés des processus physiques à l’œuvre à l’intérieur des volcans.

Situer l’eau sous le volcan

Pour comprendre et mieux anticiper le comportement souvent imprévisible d’un volcan, il est essentiel de localiser avec précision ces systèmes hydrothermaux. De fait, ceux-ci ne sont pas nécessairement situés sous le sommet, comme pour le Ticsani et l’Ubinas, deux volcans péruviens étudiés par l’équipe de recherche. Des résurgences hydrothermales apparaissent en effet à plus de 10 km du sommet en aval de chaque édifice, tandis que seules quelques manifestations s’observent dans le creux du cratère. Les chercheurs ont tout d’abord mesuré la température du sol – jusqu’à 37 °C à la surface du Ticsani – et des sources thermales – de 9 à 94 °C – ainsi que le potentiel électrique créé par le mouvement des fluides dans le sous-sol. Grâce à ce nouveau jeu de données, ils ont élaboré un modèle numérique pour expliquer la répartition asymétrique des fluides hydrothermaux.

Coupe du volcan Ticsani
© EPSL

Le rôle majeur du relief régional

Les volcans du Pérou s’élèvent de 4 000 à près de 6 000 mètres d’altitude dans la Cordillère des Andes. Ces strato-volcans, c’est-à-dire constitués par l’accumulation des coulées de lave et de cendres, sont fortement explosifs. L’arc volcanique péruvien se concentre au sud du pays, une région densément peuplée. Plusieurs volcans, dont l’Ubinas, ont donné récemment des signes inquiétants d’activité.

Le Ticsani et l’Ubinas présentent un profil atypique : culminant respectivement à 5 408 et à 5 672 mètres, ils se caractérisent par un grand dénivelé entre leurs flancs amont et aval. Les simulations numériques pour ces deux volcans montrent l’influence de cette topographie régionale sur la position du système hydrothermal : le fort gradient altitudinal observé est capable de dévier de manière significative le flux de l’eau thermale, décalant de plusieurs kilomètres la nappe souterraine par rapport au cône volcanique.

L’Ubinas et le Ticsani sont deux volcans parmi les plus actifs du Pérou situés non loin de la seconde agglomération péruvienne, Arequipa, qui compte près d’un million d’habitants, et de la ville de Moquegua. Ces travaux permettent de situer l’eau sous les volcans et de caractériser le bouillonnement permanent dans leur ventre. Ils contribueront ainsi à une meilleure surveillance de ces géants menaçants et une meilleure gestion des crises éruptives.

Contact scientifique local
 Svetlana Byrdina, ISTerre-OSUG : 04 79 75 87 96 | svetlana.byrdina [at] ird.fr

GlossaireHydrothermal : relatif à la circulation souterraine d’eaux chaudes et chargées en minéraux dissous, favorisée par une source de chaleur, souvent en zone volcanique ou tectonique. • Fumerolles : émanations de gaz volcaniques via des fissures à la surface du sol. • Eruption explosive : caractérisée par la projection de cendres, beaucoup plus dévastatrice qu’une éruption effusive qui émet des coulées de lave. • Topographie : relief d’une région géographique.

Cette actualité est également relayée par :
 l’Institut de Recherche pour le Développement - IRD
...

Référence
Influence of the regional topography on the remote emplacement of hydrothermal systems with examples of Ticsani and Ubinas volcanoes, Southern Peru, S. Byrdina1, D. Ramos2, J. Vandemeulebrouck1, P. Masias2, A. Revil1, 3, A. Finizola4, K. Gonzales Zuñiga5, V. Cruz2, Y. Antayhua2, O. Macedo5
1 ISTerre
2 Instituto Geológico Minero y metalúrgico, Peru
3 Colorado School of Mines, USA
4 Laboratoire GéoSciences Réunion
5 Instituto Geofisico del Peru (IGP), Peru

Mis à jour le 30 août 2013