Face au réchauffement climatique, quel impact sur la flore alpine ?

On pensait jusqu’à présent que les plantes alpines allaient grimper en altitude à mesure que les températures moyennes allaient augmenter. Une nouvelle étude, menée par une collaboration européenne qui implique notamment Wilfried Thuiller, chercheur au LECA montre que cette migration en altitude n’est pas si simple que cela.
En combinant plusieurs paramètres, les chercheurs prévoient une extinction probable des espèces alpines plus importante que celle prévue par le modèle standard utilisé jusqu’alors. Cette étude a été publiée en ligne dans « Nature climate change » le 6 mai 2012.

Face au réchauffement climatique, la flore alpine connaîtra une diminution de ses aires de répartition plus importante qu’estimée jusqu’à présent. Les espèces endémiques des Alpes devraient connaître les plus fortes pertes d’habitats.
En utilisant une nouvelle approche qui prend en compte la dispersion et la démographie des espèces, les chercheurs ont prédit qu’en moyenne, la réduction d’habitat pour les espèces alpines serait de l’ordre de 44 à 50 % pour la fin du XXIème siècle. Ces estimations de la diminution des surfaces viables pour les plantes alpines sont similaires aux estimations obtenues avec les modèles traditionnels.
Or, en utilisant ce nouveau modèle hybride, les chercheurs ont tenté de prédire la réponse dynamique en simulant la migration de 150 espèces de haute montagne en réponse au réchauffement régional dans les Alpes européennes.

Une espèce de montagne telle que Carduus defloratus verra son aire de répartition très probablement réduite face au changement climatique. Cependant, l’ampleur de la perte d’habitat qui devrait être observée dans les dizaines d’années à venir ne dépendra pas seulement de l’évolution climatique, mais aussi des processus démographiques et de dispersion qui gouvernent la dynamique fluctuante de ses populations.
© Stefan Dullinger / University of Vienna

Principales nouveautés, la dynamique des populations serait décalée par rapport aux tendances climatiques. En d’autres termes, les plantes ne pourront suivre et s’adapter rapidement aux augmentations des températures conséquentes au changement climatique.
En effet, en moyenne 40 % des aires de répartition toujours occupées à la fin du XXIème siècle seraient situées en dehors des conditions favorables pour les espèces, ce qui créerait un délai d’extinction. Ces zones étant considérées comme des puits puisqu’elles contiendraient des populations en fin de course. En complexifiant ainsi les paramètres de la simulation de la réaction de la flore alpine aux hausses de températures, ces résultats revisitent les conclusions optimistes sur les réductions modérées des aires de répartition des espèces alpines au cours du XXIème siècle, car elles donnent une idée erronée des effets à long terme du changement climatique sur la flore Alpine.

Les espèces de montagne verront leurs aires de répartition très probablement réduites face au changement climatique. Dans les Alpes Européennes, beaucoup d’espèces endémiques, telles que le Sempervivum stiriacum, apparaissent particulièrement menacées, car les zones de refuges plus froids dans les Alpes centrales sont relativement éloignées de leur distribution actuelle dans les chaines de montagnes périphériques.
© Dietmar Moser / University of Vienna

Référence

Extinction debt of high-mountain plants under twenty-first-century climate change.
Stefan Dullinger1,2, Andreas Gattringer1, Wilfried Thuiller3, Dietmar Moser1, Niklaus E. Zimmermann4, Antoine Guisan5, Wolfgang Willner1, Christoph Plutzar1,6, Michael Leitner7,8, Thomas Mang1,2, Marco Caccianiga9, Thomas Dirnböck10, Siegrun Ertl2, Anton Fischer11, Jonathan Lenoir12,13, Jens-Christian Svenning12, Achilleas Psomas4, Dirk R. Schmatz4, Urban Silc14, Pascal Vittoz5, & Karl Hülber1 Nature Climate Change, publié en ligne le 6 mai 2012.
lire l’article (en anglais)

1 Vienna Institute for Nature Conservation and Analyses
2 Faculty Centre of Biodiversity, University of Vienna
3 Laboratoire d’écologie Alpine (CNRS/Université Joseph Fourier/U.Savoie)
4 Landscape Dynamics Unit, Swiss Federal Research Institute WSL
5 Department of Ecology and Evolution, University of Lausanne
6 Institute of Social Ecology Vienna (SEC), Alpen-Adria-University
7 Faculty of Physics, University of Vienna
8 FRM II, Technical University of Munich
9 Department of Biology, Università degli Studi di Milano
10 Environment Agency Austria, Department for Ecosystem Research & Monitoring
11 Geobotany, Center of Life and Food Sciences, Technische Universität München
12 Ecoinformatics & Biodiversity Group, Department of Bioscience, Aarhus University
13 Ecologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés (EA4698), Université de Picardie Jules Verne
14 Institute of Biology Zrc Sazu

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Mis à jour le 31 juillet 2012