NIKA2, un nouvel instrument pour la détection des ondes millimétriques

Pour détecter un corps froid, il est nécessaire que les instruments de détection soient encore plus froids, pour éviter le « bruit » thermique associé à l’instrument même. Basé sur la technologie des KID (Kinetic Inductance Detectors), des détecteurs supraconducteurs maintenus à une température très basse, l’instrument NIKA2 vient d’être installé dans le télescope de l’IRAM (CNRS/MPG/IGN) situé sur le mont Pico Veleta1, en Espagne. Il permettra de déceler les ondes millimétriques émises par des corps célestes. Plus robuste, moins cher et ayant une meilleure sensibilité que les instruments de détection millimétrique déjà existants, cette caméra est la première2 disposant de la technologie des KID à être utilisée en astronomie millimétrique. Le consortium international NIKA, coordonné par l’Institut Néel (CNRS), espère ainsi pouvoir explorer les processus de formation d’étoiles aussi bien dans l’univers proche que dans l’univers lointain en étudiant l’émission des poussières interstellaires et l’évolution des amas de galaxies via leur interaction avec la radiation issue du Big Bang.

Une partie importante de la matière de l’univers étant froide, elle n’émet pas de la lumière visible mais majoritairement des infrarouges et des ondes millimétriques, c’est-à-dire à des longueurs d’ondes de l’ordre du millimètre. L’utilisation de télescopes optiques ne permet donc pas d’étudier tous les éléments constitutifs de l’Univers. Des radiotélescopes spécifiques permettent d’observer les ondes millimétriques et notamment d’étudier les objets froids.

Une matrice de KID en préparation pour NIKA2. © Martino Calvo (Institut Néel - CNRS)

Basé sur une nouvelle technologie, des détecteurs supraconducteurs pouvant être maintenus à une température très basse (0.15 Kelvin soit -273 °C), l’instrument NIKA2 est d’une grande sensibilité. Cette caméra est constituée de nombreux détecteurs formant trois matrices, contenant plusieurs milliers de pixels. Un seul de ces pixels peut distinguer, en une seconde d’utilisation, des puissances de l’ordre de quelques dizaines d’atto-Watts (10-18 W), ce qui permettrait par exemple de mesurer l’émission thermique d’un lapin placé à 1000 kilomètres de distance. C’est la perturbation des propriétés supraconductrices des détecteurs par les ondes millimétriques qui permet aux chercheurs de déterminer combien de « lumière » a été émise par les objets astrophysiques et donc d’obtenir une image de ces objets.

Avec NIKA2, les chercheurs vont pouvoir explorer un vaste éventail de phénomènes. Quatre projets motivent particulièrement le consortium NIKA. Ils concernent à la fois l’étude de l’évolution des amas de galaxies, la réalisation des « cartes » détaillées des galaxies proches ou encore l’étude de la poussière interstellaire et de sa polarisation, pour comprendre la formation des filaments de poussière et de gaz impliqués dans la naissance des étoiles. Cet instrument permettra également d’observer des « champs vides »3, pour cartographier la formation d’étoiles obscurcies par la poussière et donc habituellement invisibles aux observations du domaine optique. La caméra sera ouverte, pour une période d’au minimum dix ans, à la communauté scientifique mondiale qui sera invitée à proposer d’autres sujets. Les premières observations sont en cours à l’observatoire du Pico Veleta. NIKA 2 montre déjà, à ce stade, des performances qui génèrent de grands espoirs.

Premières images obtenues sur DR21OH, une région de formation stellaire qui se trouve dans le nuage moléculaire Cygnus X.
La carte a une taille de 12 arc-min (0.2 degrés) et la résolution angulaire de l’instrument est représentée par le petit disque blanc en bas et à gauche de chaque image.
© consortium NIKA

Le consortium NIKA (New IRAM KID Arrays) regroupe des chercheurs, ingénieurs et techniciens de l’Institut Néel (CNRS), de l’IRAM, du Laboratoire de physique subatomique et cosmologie (CNRS/Université Grenoble Alpes/Grenoble INP), de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG : CNRS/Université Grenoble Alpes, OSUG), de l’Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Sud), de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/Cnes/Université Toulouse III – Paul Sabatier), de l’Institut d’astrophysique de Paris (CNRS/UPMC), du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université), du laboratoire d’Astrophysique instrumentation modélisation(CNRS/Université Paris Diderot/CEA), de l’Observatoire de Paris, de l’Université de Cardiff, de l’ESO et de l’Université de l’Arizona (ASU). NIKA2 a été principalement financé par l’ANR, l’IRAM, le LabEx FOCUS et un contrat ERC de la Communauté Européenne.

Contact scientifique local
 Nicolas Ponthieu, IPAG/OSUG, nicolas.ponthieu[at]univ-grenoble-alpes.fr

Cette actualité est également relayée par
 l’Institut national des Sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Lire le communiqué de presse du CNRS/IRAM


Notes
1 L’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) a été fondé par le CNRS en France et la Max-Planck-Gesellschaft en Allemagne, rejoints par l’Instituto Geográfico Nacional en Espagne. Cet institut est composé de son siège social à Grenoble, d’un radiotélescope de 30 m de diamètre au Pico Veleta en Espagne, et d’un interféromètre de 7 antennes de 15 m de diamètre sur le Plateau de Bure dans les Hautes-Alpes françaises.
2 Le prototype NIKA1, dix fois plus petit et basé sur la même technologie, a été installé sur le même télescope entre 2013 et 2015 afin de démontrer la faisabilité de la caméra NIKA2.
3 Petite portion de ciel sans source millimétrique ou submillimétrique identifiée.

Mis à jour le 30 novembre 2017