Quand l’écologie statistique fait progresser les connaissances scientifiques

L’écologie statistique s’intéresse au développement et à l’application de méthodes et d’outils statistiques à même de répondre aux besoins de l’écologie et de la biologie évolutive. Un article publié le 24 décembre 2014 dans la revue Biology Letters par une équipe de scientifiques réunissant de nombreux chercheurs du CNRS, impliquant notamment des chercheurs du LECA, fait le point sur les dernières avancées dans ce domaine. S’appuyant sur les travaux présentés lors des quatre dernières Conférences internationales en écologie statistique, dont la dernière s’est tenue à Montpellier début juillet 2014, cet article témoigne de l’évolution mais aussi de l’essor qu’a connu la discipline au cours de ces dernières années. L’étude formalise par ailleurs les efforts de la communauté scientifique française en écologie statistique désormais structurée au travers du Groupement de Recherche Ecologie Statistique, créé il y a tout juste un an.

Discipline, résolument transversale, l’écologie statistique vise à expliquer la variabilité observée aux différentes échelles d’organisation du vivant, du gène à l’écosystème en passant par les populations et les communautés de plantes et d’animaux. S’éloignant peu à peu de la simple description des processus naturels, la discipline offre désormais un cadre de travail général et mathématiquement rigoureux capable de lier la théorie en écologie aux nombreuses données empiriques collectées. A l’occasion de la 4e Conférence internationale en écologie statistique qui s’est tenue à Montpellier du 1er au 4 juillet 2014 et à laquelle ont pris part plus de 350 scientifiques issus de 30 pays différents, un groupe de chercheurs travaillant sur cette thématique a voulu faire le point sur les dernières tendances de la discipline. Leurs conclusions ont fait l’objet d’un article publié fin décembre. « Nous avons notamment constaté des avancées importantes dans l’analyse des mouvements individuels d’un large éventail d’espèces animales ainsi que dans la modélisation de la dynamique des populations et de la distribution des espèces », souligne Olivier Gimenez, biostatisticien au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier et co-auteur de l’étude.

Les chercheurs ont par ailleurs constaté un réel essor de l’écologie statistique durant la dernière décennie. Celui-ci est en partie lié à l’urgence, d’un point de vue sociétal, de mieux appréhender des phénomènes d’ampleur globale comme le changement climatique ou l’érosion de la biodiversité. Dans ce domaine, des avancées sont à mettre au crédit de l’utilisation croissante des modèles dits à processus cachés qui, dans le cadre de suivis en conditions naturelles, permettent par exemple de prendre en compte la non-détection des individus ou des espèces dans les estimations de survie ou d’aire de distribution. La nécessité d’analyser des masses de données devenus considérables au fil du temps, en raison de la montée en puissance des technologies dédiées à leur acquisition, a également joué un rôle crucial dans le développement de l’écologie statistique. La démocratisation de l’usage des smartphones a ainsi favorisé l’émergence d’une écologie citoyenne permettant aux amateurs éclairés de recueillir des données naturalistes à la fois sur de vastes espaces géographiques et de longues périodes de temps. « Cette forme de science participative est toutefois génératrice de biais liés au fait que l’observateur est rarement neutre dans sa manière d’échantillonner une espèce ou un écosystème », note Olivier Gimenez. Arrivée aujourd’hui à maturité, l’écologie statistique souhaite désormais contribuer à mieux discriminer ce genre d’incertitudes de celles liées au processus écologiques proprement dits. Et ainsi faire en sorte que les scientifiques soient davantage impliqués dans les prises de décisions autour d’enjeux tels que la conservation des espèces et le changement climatique global.

Contact scientifique local Sébastien Lavergne, LECA-OSUG : sebastien.lavergne |a| ujf-grenoble.fr

Cette actualité est également relayée par
 l’Institut National Ecologie et Environnement - INEE
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Référence
Statistical ecology comes of age par Olivier Gimenez, Stephen T. Buckland, Byron J.T. Morgan, Nicolas Bez, Sophie Bertrand, Rémi Choquet, Stéphane Dray, Marie-Pierre Etienne, Rachel Fewster, Frédéric Gosselin, Bastien Mérigot, Pascal Monestiez, Juan Morales, Frédéric Mortier, François Munoz, Otso Ovaskainen, Sandrine Pavoine, Roger Pradel, Frank M. Schurr, Len Thomas, Wilfried Thuiller, Verena Trenkel, Perry de Valpine et Eric Rexstad, publié en open access dans Biology Letters le 24 décembre 2014.
DOI : 10.1098/rsbl.2014.0698

Mis à jour le 29 janvier 2015