Première lumière de la future machine à étudier les trous noirs

GRAVITY a été testé avec succès sur le VLTI

Observer au zoom les trous noirs est la principale mission de l’instrument GRAVITY récemment installé sur le Very Large Telescope Interferometer (VLTI) de l’ESO au Chili. Durant ses premières observations, GRAVITY a combiné avec succès la lumière stellaire recueillie par les quatre télescopes auxiliaires. Le consortium européen qui a conçu et construit GRAVITY est très satisfait des performances obtenues. Au cours de cette première phase de tests, l’instrument a en effet déjà réalisé quelques « premières ». GRAVITY est le plus puissant des instruments interférométriques installés à ce jour sur le VLT.

La première lumière de GRAVITY est l’aboutissement d’un projet démarré en 2005 auquel participent plus de cent chercheurs, ingénieurs et techniciens, dont plus d’un quart issus d’équipes françaises. Le coût matériel de l’instrument est supérieur à 7 M€ auquel la France contribue pour 1,5 M€ dont 1,3 M€ provenant du CNRS. Les équipes françaises (dont l’IPAG) ont notamment fourni les recombinateurs en optique intégrée, développés au sein d’une collaboration avec le CEA-Leti, les fonctions fibrées, le système de suivi des franges qui permet les poses longues et le logiciel de réduction des données.

L’instrument GRAVITY combine la lumière collectée par plusieurs télescopes afin de constituer un télescope virtuel dont le diamètre peut atteindre jusqu’à 200 mètres. Cette technique baptisée interférométrie, permet aux astronomes d’obtenir des images d’objets astronomiques avec une résolution – ou niveau de détails – supérieure à celle des images acquises par un unique télescope.

L’instrument recombinateur de GRAVITY
© ESO / GRAVITY consortium

Depuis l’été 2015, une équipe internationale d’astronomes et d’ingénieurs conduite par Franck Eisenhauer (MPE, Garching, Allemagne) installe l’instrument dans des tunnels prévus à cet effet situés sous le Very Large Telescope de l’Observatoire Paranal de l’ESO au nord du Chili. Il s’agit de la première phase de la mise en service de GRAVITY sur le Very Large Telescope Interferometer (VLTI). Une étape cruciale vient d’être franchie : pour la toute première fois, l’instrument a combiné avec succès la lumière stellaire collectée par les quatre Télescopes Auxiliaires du VLT [1].

« À l’occasion de sa première lumière, et pour la toute première fois dans l’histoire de l’interférométrie optique astronomique, GRAVITY a pu réaliser des poses de plusieurs minutes, plus de cent fois plus longues que ce qui était possible jusqu’à présent », précise Franck Eisenhauer. « GRAVITY va permettre d’étendre l’interférométrie optique à l’observation d’objets beaucoup moins lumineux, et repoussera bien au-delà des limites actuelles la sensibilité de l’astronomie à haute résolution angulaire ».

Parmi les observations de cette première campagne, l’équipe a pointé l’instrument sur de jeunes étoiles brillantes de l’Amas du Trapèze situé au cœur de la région de formation stellaire de la constellation d’Orion. Ces premières données de test ont déjà permis à GRAVITY d’effectuer une petite découverte : l’un des composants de l’amas est un système d’étoiles doubles.

Le système d’étoiles doubles nouvellement découvert se nomme Theta1 Orionis F.
Les observations ont été effectuées en utilisant l’étoile brillante Theta1 Orionis C comme proche référence.
© ESO / GRAVITY consortium / NASA / ESA / M. McCaughrean

Le succès de cette opération reposait sur la capacité à stabiliser le télescope virtuel suffisamment longtemps, en utilisant la lumière issue d’une étoile de référence, pour permettre une pose longue sur un second objet bien plus faible. En outre, les astronomes sont parvenus à stabiliser la lumière provenant simultanément de quatre télescopes – un exploit inédit avec ce niveau de performance.

GRAVITY peut mesurer la position d’objets astronomiques avec la plus haute précision, faire de l’imagerie interférométrique ainsi que de la spectroscopie [2]. À titre d’exemple, il pourrait apercevoir des éléments de construction sur la Lune et les localiser à quelques centimètres près. L’imagerie à une résolution aussi extrême a de nombreuses applications. Mais l’objectif principal de GRAVITY est d’étudier l’environnement des trous noirs.

GRAVITY étudiera notamment les effets de l’intense champ gravitationnel régnant à proximité de l’horizon des événements du trou noir super-massif situé au centre de la Voie Lactée – ce qui explique le choix du nom de l’instrument. Ces effets sont dominés dans cette région par la théorie de la relativité générale d’Einstein. Par ailleurs, GRAVITY observera en détail les phénomènes d’accrétion et de jets de matière qui se produisent à proximité des trous noirs super-massifs au centre des galaxies ainsi que dans l’environnement des étoiles nouvellement formées. Il excellera également dans l’étude des mouvements des étoiles binaires, des exoplanètes et des disques autour des étoiles jeunes, et dans l’imagerie des surfaces d’étoiles.

Jusqu’à présent, GRAVITY a été testé avec les quatre Télescopes Auxiliaires d’1,8 mètre. Les premières observations avec les quatre Télescopes Unitaires de 8 mètres du VLT sont prévues pour 2016.

Le consortium GRAVITY
Piloté par l’Institut Max Planck pour la Physique Extraterrestre de Garching en Allemagne, il regroupe les institutions partenaires suivantes :
 le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique - LESIA (Observatoire de Paris / CNRS / UPMC / Univ. Paris Diderot)
 Institut Max Planck pour l’Astronomie, Heidelberg, Allemagne
 Institut de Physique, Université de Cologne, Cologne, Allemagne
 l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble - IPAG (Université Grenoble Alpes/CNRS, OSUG)
 Centre Pluridisciplinaire d’Astrophysique, CENTRA (SIM), Lisbonne et Porto, Portugal
ESO, Garching, Allemagne
 le centre Français de Recherche Aérospatiale (ONERA)

GRAVITY et l’aboutissement d’une longue collaboration entre l’IPAG (CNRS / UGA, OSUG) et le CEA-Leti Depuis bientôt 20 ans, le CEA-Leti et l’IPAG collaborent au développement de puces optiques intégrées spécifiquement adaptées à l’interférométrie astronomique. Basées sur une technologie de gravure des couches de silice dopée déposées sur du silicium, ces puces permettent de recombiner la lumière provenant des 4 télescopes du réseau VLTI dans quelques centimètres carrés en assurant compacité, stabilité et précision des mesures. Alors que de telles puces ont été développées et utilisées depuis plusieurs années dans le domaine des télécommunications, le fonctionnement de GRAVITY dans les longueurs d’onde allant de 2 à 2.5 μm a exigé le développement et l’optimisation de la technologie pour ce domaine spectral particulier. Les développements menés dans le cadre du réseau Recherche Technologique de Base (RTB) porté par le CEA et le CNRS ont permis de pousser cette technologie à ses performances ultimes.

Contacts scientifiques locaux

  • Karine Perraut, IPAG-OSUG : karine.perraut |at| univ-grenoble-alpes.fr
  • Laurent Jocou, IPAG-OSUG : laurent.Jocou |at| univ-grenoble-alpes.fr

Cette actualité est également relayée par :
 l’Observatoire Européen Austral (ESO)
 le CNRS

[1Il serait plus pertinent de nommer cette phase « premières franges » puisqu’elle a consisté en la première combinaison de lumière en provenance de plusieurs télescopes produisant des franges d’interférence.

[2GRAVITY a pour objectif de déterminer la position des objets à une précision de l’ordre de 10 microsecondes d’angle, et d’imager les objets avec une résolution de quatre millisecondes d’angle.

Mis à jour le 22 janvier 2016