Température en Antarctique et CO2 ont augmenté simultanément par le passé

Communiqué publié le 1er mars 2013

L’augmentation de température en Antarctique durant la dernière déglaciation (il y a 20 000 à 10 000 ans) se serait produite en même temps que l’augmentation de la concentration en dioxyde de carbone (CO2). Cette découverte a été effectuée par une équipe européenne menée notamment par des chercheurs du LGGE, à partir de l’analyse de glaces issues de 5 forages en Antarctique. Elle vient contredire de précédents travaux qui indiquaient un retard de la hausse du CO2 par rapport à celle des températures antarctiques. Ces nouveaux résultats suggèrent donc que le CO2 pourrait être une cause possible de ce réchauffement. Ils sont publiés le 1er mars dans la revue Science.

Les calottes polaires forment une excellente archive des variations passées de l’atmosphère et du climat polaire. Les carottes extraites jusqu’à présent couvrent 800 000 ans d’histoire en Antarctique et permettent de mieux connaître les variations passées du climat. Un lien a été mis en évidence entre les températures antarctiques et la teneur en CO2 durant le passé : de manière générale, les températures étaient élevées durant les périodes à forte teneur en CO2 atmosphérique et vice versa. Mais, l’effet de serre dû au CO2 aurait-il provoqué un réchauffement ? Ou bien est-ce l’inverse ?

Pour avancer sur cette problématique, les chercheurs ont tenté de déterminer qui du CO2 ou de la température variait en premier lors d’une hausse ou d’une baisse commune. La question est complexe car on ne lit pas la température et la teneur en CO2 d’un âge donné au même niveau dans une carotte de glace : la température est enregistrée à la surface des calottes polaires tandis que les gaz atmosphériques comme le CO2 sont piégés à environ 100 mètres de profondeur, là où les bulles se forment (cette profondeur étant dépendante des conditions climatiques). Autrement dit, les bulles de gaz sont toujours plus jeunes que la glace qui les entoure.

A Talos Dome en 2005-2006, le carottier avec une carotte de glace toute fraiche
© Frédéric Parrenin, LGGE-OSUG.

Jusqu’à présent, cette profondeur de piégeage ainsi que le décalage temporel entre CO2 et température étaient déterminés à partir de modèles de tassement de la neige. De précédents travaux avaient ainsi montré que la hausse du CO2 en Antarctique lors de la fin du dernier âge de glace (de -20 000 à -10 000 ans) avait commencé huit cent ans après celle de la température.

Une équipe de scientifiques pilotée par deux laboratoires français, le Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement LGGE@OSUG (CNRS/UJF) et le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement LSCE@IPSL (CNRS/CEA/UVSQ), a mis en place une autre technique afin d’estimer ce décalage temporel : les scientifiques ont déduit la profondeur de piégeage des gaz à partir de l’isotope 15 de l’azote des bulles d’air. En effet, cet élément est enrichi par gravitation proportionnellement à la profondeur de piégeage. Ils ont également appliqué une méthode statistique innovante pour déterminer la température en Antarctique et son déphasage par rapport au CO2.

A Talos Dome en 2005-2006, Frédéric Parrenin coupe une carotte de glace avant de l’emballer
© Frédéric Parrenin, LGGE-OSUG.

Selon leurs résultats, le CO2 et la température antarctique ont varié en même temps à la fin du dernier âge glaciaire, à 200 ans près. Cette découverte rend maintenant probable l’hypothèse selon laquelle le CO2 ait été responsable, au moins en partie, du réchauffement en Antarctique à la fin du dernier âge glaciaire. Cependant, de nouvelles données et de nouvelles simulations seront nécessaires pour déterminer précisément les différentes contributions à ce réchauffement climatique passé naturel. Les scientifiques ont d’ailleurs prévu d’étudier d’autres périodes et d’analyser d’autres carottes avec ces mêmes méthodes.

Référence de la publication scientifique :
Synchronous Change of Atmospheric CO2 and Antarctic Temperature During the Last Deglacial Warming, F. Parrenin 1, V. Masson-Delmotte 2, P. Köhler 3, D. Raynaud 1, D. Paillard 2, J. Schwander4, C. Barbante 5,6, A. Landais2, A. Wegner3, J. Jouzel 2, Science, Vol. 339 no. 6123 pp. 1060-1063, 1 Mars 2013.

1 Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (CNRS/UJF -OSUG), Grenoble, France.
2 Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (CEA/CNRS/UVSQ -IPSL), Gif-sur-Yvette, France.
3 Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research, Bremerhaven, Germany.
4 Physics Institute, University of Bern, Bern, Switzerland.
5 Department of Environmental Sciences, University of Venice, Venice, Italy.
6 Institute for the Dynamics of Environmental Processes–CNR, University of Venice, Venice, Italy.

Lire l’article en ligne.

Contact scientifique :
Frédéric Parrenin, LGGE@OSUG : parrenin ujf-grenoble.fr

Cette actualité est également relayée par :
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Mis à jour le 19 mars 2013