Reconstruction des conditions régnant dans le conduit du volcan Mérapi (Indonésie) durant l’éruption séculaire de 2010

L’éruption de 2010 du volcan Mérapi (Indonésie) fut la plus violente depuis 1872. La série des explosions qui se sont succédées durant 2 semaines a causé l’évacuation d’un demi-million de personnes. Une équipe internationale de chercheurs comprenant des membres de l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre/OSUG, CNRS / USMB / IRD / IFSTTAR / UGA), de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP / CNRS / UPD / Université La Réunion) et de l’Institut des sciences de la Terre d’Orléans (ISTO/OSUC, CNRS / Université d’Orléans / BRGM) a montré que la violence de cette éruption exceptionnelle s’explique par la présence discrète d’un magma inhabituellement riche en eau. C’est cette eau qui, en s’ajoutant sous forme de vapeur au gaz sous pression déjà présent dans le conduit volcanique, a donné leur puissance à ces explosions.

Le volcan Mérapi vu du sud en 2013
© Alain Burgisser, ISTerre

Considéré comme un des volcans les plus actifs au monde, le Mérapi a de fréquentes éruptions effusives dont les dangers sont bien connus. Habituellement, le magma sort sous forme de dômes de lave qui s’effondrent périodiquement. Ces effondrements donnent lieu à des avalanches de lave incandescente nommées coulées pyroclastiques qui sont certes extrêmement dangereuses mais dont les trajectoires varient peu, facilitant la gestion des risques encourus par la population locale. Cependant, les 26 octobre et 5 novembre 2010, les explosions ont généré des coulées pyroclastiques qui ont causé des dommages humains et matériels jusqu’à 15 km du volcan, bien au-delà des distances habituellement atteintes.

Même en tenant compte du fait que le sommet fut écrêté d’environ 200 m par l’explosion du 26 octobre, un effondrement classique de dôme ne saurait expliquer la propagation à si grandes distances des coulées pyroclastiques. Les chercheurs d’une équipe internationale, issus notamment d’ISTerre, de l’IPGP et d’ISTO, ont donc été amenés à envisager la présence d’un magma inhabituel.

Représentation schématique du conduit volcanique avant les explosions de 2010 réalisée à partir des analyses de scories
Les bulles blanches représentent le peu de gaz présent dans le conduit qui a été suppléé par l’eau dissoute dans le magma.

Ils ont analysé le peu de scories présentes dans les dépôts des coulées de 2010, surtout constituées de débris des dômes et du sommet du volcan. L’analyse du peu d’eau figée dans ces scories leur a permis de déterminer :

  • la quantité d’eau que chaque scorie contenait lorsqu’elle n’était encore qu’un petit morceau de magma dans le conduit volcanique, juste avant les explosions du 26 octobre et du 5 novembre ;
  • la profondeur dans le conduit de chacune d’elle ;
  • et la quantité de gaz que chacune d’elles contenait.

Répétées sur des dizaines de scories, ces analyses ont donné une image du conduit volcanique avant chaque explosion.

Les résultats montrent que le magma ayant nourri les explosions provenait d’une bien plus grande profondeur que les quelques centaines de mètres imaginés. Ce magma, situé en fait à plusieurs kilomètres de profondeur (> 6 km le 26 octobre et 3 km le 5 novembre), contenait une quantité d’eau bien supérieure à celle des laves formant les dômes. Cette eau provenait sans doute d’une recharge profonde de magma qui s’est mélangée au magma pauvre en eau déjà présent dans la chambre sise sous le volcan. Suppléant le peu de gaz présent dans le conduit, cett eau s’est ensuite transformée en vapeur sous pression lors des explosions.

C’est donc cette petite quantité de magma riche en eau qui a donné leur puissance aux évènements de 2010. Ceci implique que le potentiel explosif des volcans ayant des éruptions habituellement effusives est lié à la profondeur du magma qui peut être évacué en une seule explosion, et non, comme précédemment envisagé, à la quantité de magma présente dans le conduit volcanique.

Source :
Drignon, M. J., T. Bechon, L. Arbaret, A. Burgisser, J.-C. Komorowski, C. Martel, H. Miller, and R. Yaputra (2016), Preexplosive conduit conditions during the 2010 eruption of Merapi volcano (Java, Indonesia), Geophys. Res. Lett., 43, doi:10.1002/2016GL071153.

Contact scientifique local :
 Alain Burgisser, ISTerre/OSUG : alain.burgisser (at) univ-smb.fr 04 79 75 87 80

Cette actualité est également relayée par
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018