Une nouvelle approche théorique pour traiter l’excitation collisionnelle de molécules réactives

La nébuleuse N11B située dans le Grand Nuage de Magellan © NASA/ESA/STScI.
Une équipe de recherche du laboratoire ondes et milieux complexes (LOMC) en collaboration avec un chercheur de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG/OSUG, CNRS/UGA) vient de mettre au point une méthode théorique permettant d’étudier l’excitation collisionnelle de molécules interstellaires hautement réactives. Cette méthode se base sur un traitement statistique de la collision moléculaire et permet d’obtenir des résultats très précis avec des temps de calcul drastiquement réduits. Ces nouveaux travaux ouvrent la voie à une meilleure modélisation de l’abondance de ces molécules dans les milieux astrophysiques et par conséquent, à une meilleure compréhension de la physico-chimie des nuages moléculaires interstellaires où naissent les étoiles et les planètes.

Les télescopes tels que le satellite HERSCHEL ou les interféromètres ALMA et NOEMA ouvrent de nouvelles fenêtres d’observation avec des résolutions spatiales et spectrales jusque-là inégalées. Ils permettent une étude approfondie de la composition et de l’évolution chimique du milieu interstellaire. Une détermination précise de l’abondance des différentes espèces interstellaires aide à aborder les questions fondamentales suivantes :

  • Comment se forment les molécules organiques complexes ?
  • Comment se forment les étoiles et les planètes ?
  • Quelle est l’origine des molécules observées dans les comètes du système solaire ?

La détermination des abondances moléculaires se fait en même temps que la détermination des conditions physiques (température, densité, champ de rayonnement…) régnant dans le milieu interstellaire. Elle impose de comprendre le mécanisme d’émission du rayonnement provenant des nuages moléculaires interstellaires où deux processus principaux gouvernent l’excitation et la désexcitation des espèces chimiques : les collisions et le rayonnement. Le mouvement des atomes et molécules lié à la température du milieu induit des collisions permettant le transfert d’énergie d’une particule à l’autre. Cette énergie permet aux molécules d’atteindre des niveaux d’énergie supérieurs. Il est donc primordial d’étudier les processus d’excitation collisionnelle des espèces interstellaires et ainsi de caractériser les transferts d’énergie qui se font dans les nuages moléculaires froids.

Malgré des progrès significatifs effectués ces dernières années, les approches purement quantiques ne permettent pas d’étudier les collisions impliquant des molécules réactives comme les ions moléculaires. En effet, lorsque ces molécules entrent en collision avec les espèces interstellaires majoritaires (H2, He, H), il se forme généralement un complexe moléculaire stable rendant les approches quantiques standard impossibles à utiliser en raison de la grande densité d’états quantiques mis en jeu. Des chercheurs du LOMC, en collaboration avec un chercheur de l’IPAG ont utilisés une approche statistique pour décrire ces collisions et ont réussi à modéliser de façon très précise le processus collisionnel et les transferts d’énergie aux très basses températures (-260°C) qui caractérisent le milieu interstellaire. Ainsi, il est maintenant envisageable d’obtenir des données fiables pour les espèces réactives (OH+, H2O+, H3O+, H3+, etc.) grâce à cette approche efficace et très peu couteuse en calcul (temps/mémoire). Ce résultat ouvre la voie à de nouveaux diagnostics moléculaires précis, par exemple la mesure du taux d’ionisation galactique qui régule la formation des étoiles et des planètes.

Vitesse d’excitation collisionnelle de OH+ par H à 200 K. © F. Lique

Source

An efficient statistical method to compute molecular collisional rate coefficients, Jérome Loreau, François Lique et Alexandre Faure, The astrophysical Journal Letters, Volume 853, Number 1, 18 janvier 2018. DOI : 10.3847/2041-8213/aaa5fe

Contact scientifique local

 Alexandre Faure, IPAG/OSUG, alexandre.faure[at]univ-grenoble-alpes.fr

Cette actualité est également relayée par

 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018