Du givre recouvre la surface de neige près de 50% du temps au cœur du Plateau Antarctique

La surface de neige du Plateau Antarctique, à plus de 3200 m d’altitude, a été étudiée par une équipe de chercheurs du LGGE. Cette étude récente a utilisé un appareil photo installé près de la base Concordia, située au centre de l’Antarctique, qui a permis de photographier tous les jours durant plus de 2 ans quelques mètres carrés de la surface de neige dans des conditions extrêmes, la température pouvant atteindre - 80°C. En analysant ces quelques 700 photos, il est apparu, de façon inattendue, que la surface est recouverte environ 45 % du temps de cristaux de glace possédant de nombreuses aiguilles. Cette forme de givre est observée aussi bien en été qu’en hiver. Publiés le 8 août 2013 dans la revue The Cryosphere, ces travaux ont de plus permis de comprendre les conditions de vent nécessaires pour balayer le givre de la surface, ainsi que le rôle potentiel important de ce givre dans les processus d’accumulation de neige à la surface.

Cristaux de givre sur la surface à Dôme C, Antarctique
Appareil photo installé dans la boîte blanche regardant verticalement la surface

Malgré un rôle important dans de nombreux processus d’échanges d’énergie et de matière entre l’atmosphère et le manteau neigeux, l’évolution de l’état surface en Antarctique est peu connue pour deux raisons principales : l’observation est complexe, à cause des conditions atmosphériques extrêmes, et il est difficile de définir des paramètres quantitatifs décrivant l’état de surface. L’originalité de cette étude est l’utilisation de photos de la surface permettant une observation régulière et objective. Afin de résister aux conditions climatiques, l’appareil photo a été installé dans une boîte thermostatée et étanche. Le capteur photographique est filtré dans le domaine du proche infrarouge afin d’augmenter le contraste de la neige. Un algorithme a été développé dans le but de détecter automatiquement la présence de givre sur chaque image. Celui-ci repose sur l’analyse de la texture « granulaire », « rugueuse » ou « tachetée » des photos, engendrée par les hétérogénéités de petite échelle formées par le givre. Ces travaux de recherche ont finalement permis de dériver une série temporelle de présence de givre, aujourd’hui longue de 26 mois.

Photos avec présence de givre sur la surface à gauche et absence à droite

Les résultats montrent que le givre recouvre 45 % du temps la surface de neige et surtout que celui-ci est présent aussi bien en hiver qu’en été, alors que les conditions atmosphériques sont très différentes, la température variant de plus de 50 °C entre les deux saisons. Ensuite, l’analyse des conditions atmosphériques a permis de comprendre les causes de la disparition du givre, les raisons de sa formation restant mal comprises. Le vent est la cause principale de la disparition du givre comme on peut s’y attendre. Cependant, la vitesse du vent n’est pas la seule condition. La direction de celui-ci est aussi fondamentale : un vent faible peut en effet balayer le givre si son orientation est perpendiculaire à la direction dominante. Ce phénomène vient probablement de l’augmentation de l’énergie turbulente lorsque le vent souffle sur le coté des reliefs de surface (dunette, sastrugi), qui sont généralement alignés selon la direction dominante du vent.

Une observation approfondie des photos, conjointement avec des mesures d’albédo et de précipitation, a de plus montré que le givre pouvait être un piège pour les cristaux de neige précipitants. Ces petits cristaux peuvent en effet se loger entre les interstices des gros cristaux de givre et ainsi former une structure solide et protégée du vent. Finalement, avec un givre dont la hauteur est comprise entre 1 et 2 cm et une accumulation de neige de 8 cm par an à Dôme C, ce processus pourrait jouer un rôle important sur l’accumulation de neige et sa distribution spatiale. Enfin, un lien entre les phénomènes d’apparition / disparition du givre et les données micro-ondes obtenues par satellite et disponibles depuis plus de 30 ans offre des perspectives totalement nouvelles sur les variations à long terme de la surface, qui pourrait être liées à des changements climatiques.

Ces travaux ont notamment bénéficié des soutiens de l’IPEV, de l’ANR et du CNRS, à travers les programmes CALVA, VANISH, MONISNOW et PNTS.

L’ensemble des images de la surface sur les 26 mois d’observation représente une base de données de plus de 15 000 photos (photos prises toutes les heures) et offre donc un potentiel important pour d’autres études. La base de donnée est disponible sur demande.

Contacts scientifiques locaux
 Nicolas Champollion, LGGE-OSUG : nchampollion [at] gmail.fr
 Ghislain Picard, LGGE-OSUG : ghislain . picard [at] ujf-grenoble.fr

Référence
Hoar crystal development and disappearance at Dome C, Antarctica : observation by near-infrared photography and passive microwave satellite, N. Champollion1, G. Picard1, L. Arnaud1, E. Lefebvre1 et M. Fily1, The Cryosphere, 8 août 2012. Lire l’article (en anglais)
1 Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement - LGGE (CNRS, UJF)

Mis à jour le 17 octobre 2013