Equateur, séisme du 16 avril 2016 (Mw 7.8)

Le séisme de magnitude 7.8 est survenu le 16 avril 2016 à 23h58 (UTC) en Equateur, à une profondeur située entre 15 et 30 km. Il s’agit d’un séisme de subduction lié à la convergence relative entre les plaques Pacifique (Nazca) et Sud-Amérique.
Le mécanisme au foyer, déterminé par plusieurs agences, indique bien un évènement compatible avec une rupture localisée sur l’interplaque de subduction. L’épicentre, proche de la côte pacifique, est localisé à quelques dizaines de kilomètres des localités de Muisne, Cojimies et Pedernales. Le séisme, à environ 170 km à l’Ouest-Nord-Ouest de la capitale Quito, s’est produit juste au Sud du promontoire d’Atacames, pointe de Galera, au Sud d’Esmeraldas.

Les équipes françaises, parmi lesquelles des chercheurs de l’Institut des Sciences de la Terre (ISTerre/OSUG, CNRS / USMB / IRD / IFSTTAR / UGA), impliquées dans des projets scientifiques sur les tremblements de terre et leurs effets sur la zone où s’est produit le séisme du 16 avril 2016, et plus généralement sur l’Equateur sont en contact avec leurs collègues équatoriens de l’Instituto Geofisico de la Escuela Politecnica (Quito), sur place, pour évaluer la pertinence des actions à conduire. Une intervention sur le terrain est envisagée, avec le départ depuis la France de stations sismologiques mobiles et d’une équipe de spécialistes pour aider au déploiement de ces instruments en Equateur. Ces sismomètres supplémentaires permettront de densifier le réseau de mesure dans la région affectée, afin de mieux enregistrer les nombreuses répliques et les éventuels forts séismes qui se produiront dans la zone au cours des prochains mois.

La subduction de la plaque Nazca en cause

1 : Contexte géodynamique (Gutsher et al., 1999). Etoile rouge : épicentre du séisme de Mw 7.8 du 16 avril 2016.
2 : Bloc diagramme 3D schématisant le système de subduction Equateur (centre-nord). © Font & LMI-SVAN, pers. com.


















Face à l’Equateur, la plaque océanique Nazca plonge sous la plaque Amérique du Sud à la vitesse moyenne de 5 cm/an selon un azimut quasi perpendiculaire à la fosse (obliquité 10° ; Fig. 1 et 2). Il s’agit d’une plaque jeune (moins de 22 Ma). Elle porte la ride de Carnegie (2 km de haut par rapport au plancher océanique et 200 km de large face à la fosse), actuellement en subduction proche de la région du séisme de 2016.

Le séisme de subduction et la rupture soudaine de la surface de contact entre les deux plaques en présence permettent le glissement relatif de la plaque Nazca sous la plaque chevauchante. Ce mouvement était préalablement bloqué sur la faille de chevauchement, comme indiqué par le fort coefficient de couplage intersismique. Ce blocage du mouvement de convergence relative entre les plaques accumule les contraintes sur la faille durant quelques dizaines à centaines d’années, jusqu’à ce que le séisme survienne et relâche les contraintes. Ainsi, un fort couplage, révélé par le GPS, implique un risque sismique élevé. Au contraire, lorsqu’une zone est dite découplée, la plaque plongeante glisse continument et sans friction, réduisant le risque d’occurrence d’un séisme majeur.

Hétérogénéité du couplage et séismes historiques

3 : Distribution spatiale du couplage intersismique le long de l’interface de subduction (centre Pérou à Nord Equateur). Etoile rouge : épicentre du séisme de Mw 7.8 du 16 avril 2016. © Nocquet et al., 2014.
4 : Distribution spatiale du couplage intersismique le long de l’interface de subduction en Equateur. Etoile rouge : épicentre du séisme de Mw 7.8 du 16 avril 2016. © Chlieh et al., 2014.

Régionalement, le coefficient de couplage intersismique entre la plaque Nazca et la plaque chevauchante varie du sud au nord (Fig. 3). Il montre que la subduction est globalement découplée depuis le centre du Pérou jusqu’au sud de l’Equateur. Au nord de l’Equateur, le couplage est important, sur au moins 300 km de long, atteignant jusqu’à 100% proche de la fosse.
Le long de cette partie de la zone de contact interplaque, le couplage se distribue en plusieurs patchs, relativement petits et très fortement couplés, entourés par des zones relativement moins couplées (Fig. 4). Outre le patch proche de la ville de Manta sur lequel aucun séisme majeur n’est connu à ce jour (segments générant des glissements lents), le couplage est en moyenne supérieur à 50% entre la ville de Bahia de Caraquez et le Cap Manglares (sud Colombie).
En 1906, la subduction avait déjà provoqué un séisme de magnitude 8.8 en rompant tous les patchs en une seule fois, générant ainsi une grande zone de rupture s’étendant sur 500 km et aussi un tsunami dévastateur (Fig. 5). Cette même zone a été à nouveau partiellement rompue en une séquence de 3 séismes distincts et adjacents en 1942 (Mw 7.8), 1958 (Mw 7.7), 1979 (Mw 8.1).

Une lacune sismique et sismicité historique

6 : Epicentre du séisme de Mw 7.8 du 16 avril 2016 (etoile rouge) et premières répliques (Instituto Geofisico de la Escuela Politecnica Nacional, en Equateur) superposé à la Distribution spatiale du couplage intersismique le long de l’interface de subduction en Equateur. © (Chileh et al., 2014).
5 : Gauche : Séismes historiques : Zone de rupture (vert clair entouré de tirets verts ; en tiret noir pour le séisme de 1906) et aspérité (vert foncé). Anomalie de Bouguer : Feininger et Seguin, 1983. Terrasses marines : Pedoja et al., 2006. La trace de la ride de Carnégie (avant fosse) est en gris. Droite : sismicité entre 1994 et 2007 entre 0 et 30 km de profondeur. Etoile rouge : épicentre du séisme de Mw 7.8 du 16 avril 2016. © Catalogue 3D-MAXI, Font et al., 2013

La comparaison de la distribution des patchs de couplage avec la rupture de 1942 a récemment permis d’identifier une zone de lacune sismique au sein de la grande zone de rupture de 1906, c’est à dire de révéler un segment de faille dont la contrainte accumulée n’avait pas été relâchée depuis 1906.

Le séisme du 16 avril 2016 se situe précisément dans cette lacune sismique localisée entre les aspérités rompues par les séismes de 1942 et de 1958 (Fig. 5 et 6). Les répliques du séisme se distribuent sur une centaine de kilomètres au Sud-Ouest de l’épicentre du choc principal, recouvrant la moitié sud de la zone de rupture du séisme de 1942.

Le long de cette partie de la zone de contact interplaque, on estime que le dernier grand glissement sismique datait donc probablement du méga-séisme de 1906, de magnitude 8.8. Avec une convergence interplaque relative de 5 cm/an, cette zone accusait ainsi un retard de 5 m en 2016, qui a pu être relâché lors de ce séisme. La durée de 35 s de la source sismique, déduite des analyses du réseau sismologique GEOSCOPE, ainsi que l’extension de la zone concernée par les répliques indiquent donc que ce séisme a réactivé une partie de la zone de rupture du séisme de 1942, partiellement rechargées (environ 3 m), et/ou les aspérités voisines. L’ensemble des données suggère une propagation dominante de la rupture vers le Sud-Ouest.

Les équipes françaises

Les équipes françaises (cf ci-dessous) sont impliquées dans des projets scientifiques sur les tremblements de terre et leurs effets sur la zone où s’est produit le séisme du 16 avril 2016, et plus généralement sur l’Equateur, notamment au travers du Laboratoire Mixte International (LMI) "Séismes et Volcans dans les Andes du Nord" de l’IRD (France – Equateur) et l’ANR REMAKE « Risque sismique en Equateur : réduction, anticipation, connaissance des séismes ». Les chercheurs du LMI-SVAN et ANR-REMAKE travaillent en étroite collaboration avec leur collègues de l’Instituto Geofisico de la Escuela Politecnica Nacional depuis une vingtaine d’années, et leur témoignent tout leur soutien en ces circonstances difficiles.

 Géoazur, Sophia Antipolis (CNRS, UNS, OCA, IRD)
 ISTerre, Institut des sciences de la Terre, Grenoble (CNRS, USMB, IRD, IFSTTAR, UGA)
 IPGP, Insitut de physique du globe de Paris (CNRS, Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité)
 Géosciences Rennes, (CNRS, Rennes 1)
 ISTEP, Institut des sciences de la Terre de Paris (CNRS, UPMC)
 CEREMA, Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
 IRSN, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
 IFFSTAR, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux

Bibliographie des equipes francaises
au format pdf

Source :
En fichier attaché les articles de la communauté française publiée dans des revues internationales et nationales à comité de lecture

Cette actualité est également relayée par
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)
 l’institut de recherche pour le développement (IRD)

Mis à jour le 13 décembre 2017