Quatre nouvelles espèces de gaz détruisant la couche d’ozone détectées dans l’atmosphère

Quatre espèces de gaz contribuant à la destruction de la couche d’ozone (chlorofluorocarbures et hydro-chlorofluorocarbure) viennent d’être détectées pour la première fois dans l’atmosphère. Une étude internationale, impliquant des chercheurs du LGGE, publiée le 9 mars dans la revue Nature Géoscience, estime que 74 000 tonnes de ces composés ont été émises dans l’atmosphère avant 2013.

Les émissions de chlorofluorocarbures (CFCs) et hydro-chlorofluorocarbures (HCFCs), espèces identifiées comme contribuant à la destruction de la couche d’ozone, ont été régulées puis progressivement bannies par le Protocole de Montréal (1987) et les amendements qui l’ont suivi. Pourtant, cette étude a permis de détecter pour la première fois trois nouveaux CFCs (CFC 112, 112a et 113a) ainsi qu’un HCFC (le HCFC 133a) dans l’atmosphère. Ces émissions restent faibles par rapport au maximum d’émission des espèces régulées dans les années 1980, mais pour l’un d’eux, le CFC-113a la concentration a fortement augmenté dans l’atmosphère au XXIème siècle, ce qui va à l’encontre des intentions du Protocole de Montréal.

Les sources d’émission de ces composés ne sont pas encore clairement identifiées. Parmi les sources possibles, on compte des produits chimiques utilisés dans la fabrication des insecticides et des solvants utilisés pour le nettoyage de composants électroniques. Une particularité des CFCs est qu’ils sont détruits très lentement dans l’atmosphère. Ainsi, même si leurs émissions étaient stoppées immédiatement, ils resteraient présents pendant plusieurs décennies.

 

Figure extraite de Laube et al., Nature Geoscience : Évolution dans le temps des concentrations des quatre gaz étudiés : fourchette de concentrations dans l’atmosphère du Groenland (lignes pointillées) ; Concentrations dans l’archive d’air de Cape Grim, Australie (points et lignes continues noires) ; estimation des émissions annuelles (lignes rouges).

Les émissions par l’homme sont majoritairement situées dans l’hémisphère Nord, c’est pourquoi en période de fortes émissions, les concentrations atmosphériques sont plus fortes dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud. Quand les émissions par l’homme sont fortement réduites ou supprimées, le transport par les vents égalise les concentrations dans les deux hémisphères.

 
 

Le forage glaciaire NEEM au Groenland   Les échantillons d’air utilisés dans cette étude ont été collectés dans le cadre du forage international NEEM au Nord du Groenland, impliquant 14 pays dont la France.   La contribution française à ce projet a été organisée à travers un projet de l’Agence Nationale de la Recherche coordonné par Valérie Masson-Delmotte du Laboratoire des Sciences du Climat à Gif sur Yvette. Il est soutenu par l’Institut Pierre Simon Laplace, le Commissariat à l’Energie Atomique, l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS et l’Agence Nationale de la Recherche (projet "Vulnérabilité Milieux Climat 2007").

Cette étude internationale a portée sur l’analyse des échantillons d’air collectés et préservés depuis le milieu des années 1970 en Australie, ainsi que des échantillons d’air interstitiel prélevés dans la neige compactée du Groenland. Les 50 à 100 premiers mètres des calottes de glace du Groenland et de l’Antarctique sont en effet constitués de neige qui se compacte progressivement sous l’effet de son poids. Entre les grains de neige, l’air circule lentement et des prélèvements à des profondeurs croissantes permettent d’accéder à de l’air de plus en plus ancien.

Le camp du forage glaciaire NEEM au Groenland.
Crédit : NEEM ice core drilling project - Photo : Tim Burton.

 

Une collaboration française originale : glaciologie et automatique

La contribution française a permis de traduire les données du Groenland en terme d’histoire des concentrations atmosphériques et en particulier de situer le début des émissions atmosphériques des CFCs et HCFC étudiés dans les années 1960. Leur absence dans l’atmosphère avant les années 1960 suggère une émission due aux activités de l’homme.

La mise en commun des expertises du LGGE sur la physique de la neige et la composition de l’air et du GIPSA-lab sur le traitement des équations du transport de gaz en milieu hétérogène a permis de développer de nouveaux modèles numériques très performants de transport des gaz dans la neige compactée. Ces modèles convertissent les profils de concentration dans la neige en fonction de la profondeur en évolution temporelle de la concentration à la surface de la calotte, c’est à dire dans l’atmosphère.

Connaissant l’histoire atmosphérique d’un gaz, les équations physiques permettent de calculer comment il a été transporté dans la neige et la glace, qui gardent la "mémoire" de ses variations passées. Les méthodes "inverses" permettent de "retourner le problème" : connaissant la concentration des gaz dans la neige et la glace (qu’on peut mesurer aujourd’hui), elles permettent de reconstruire l’histoire de leurs concentrations atmosphériques.

 

Contact scientifique local
 Patricia Martinerie martinerie lgge.obs.ujf-grenoble.fr (+33) 04 76 82 42 14

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Cette actualité est également relayée par
 l’Université Joseph Fourier - UJF
 l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS - INSU
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Référence
Newly detected ozone-depleting substances in the atmosphere, Johannes C. Laube1, Mike J. Newland1, Christopher Hogan1,
Carl A. M. Brenninkmeijer2, Paul J. Fraser3, Patricia Martinerie4, David E. Oram5, Claire E. Reeves1,
Thomas Röckmann6, Jakob Schwander7, Emmanuel Witrant8 & William T. Sturges1, Nature Geoscience, mars 2014. Lire l’article
1 Centre for Ocean and Atmospheric Sciences, School of Environmental Sciences, University of East Anglia, UK
2 Max Planck Institute for Chemistry, Germany
3 Centre for Australian Weather and Climate Research, Australia
4 Laboratoire de glaciologie et de Géophysique de l’Environnement (LGGE), UMR5183, Grenoble, France
5 National Centre for Atmospheric Science, University of East Anglia, UK
6 Institute for Marine and Atmospheric Research, Utrecht University, The Netherlands
7 Physics Institute, University of Berne, Switzerland
8 Grenoble Image Parole Signal Automatique (GIPSA-lab), UMR 5216, Grenoble, France

Mis à jour le 18 mars 2014