Un nouveau détecteur infrarouge rapide révolutionnaire voit ses premiers photons

RAPID, le premier prototype d’une nouvelle génération de détecteurs rapides et très sensibles a été installé avec succès sur l’instrument PIONIER à l’observatoire de l’ESO à Paranal (VLT). Cet accomplissement est le fruit de cinq années d’effort d’une collaboration entre des instituts de recherche académiques et des partenaires industriels, notamment grenoblois.

RAPID : A High-speed Infrared Detector
© ESO

Comme son nom le suggère, le nouveau système RAPID [1] fournit plusieurs centaines d’images par seconde et peut fonctionner à de très faibles luminosités. Ces caractéristiques, uniques pour un détecteur infrarouge, sont indispensables pour de nombreuses applications, s’étendant de la science fondamentale à la médecine. En astronomie, cela va améliorer les performances de l’optique adaptive, une technologie au cœur du fonctionnement de l’European Extremely Large Telescope (E-ELT).

Contrairement à la plupart des détecteurs commerciaux disponibles, RAPID peut détecter tout aussi bien des photons (particules de lumière) visibles qu’infrarouges (longueurs d’onde 0,4–3,6 micrometres). C’est un avantage immense : l’augmentation de la couverture spectrale signifie que bien plus de photons pourront être accumulés, notamment dans le domaine infrarouge, où beaucoup d’objets émettent plus de lumière.

En 2013, les partenaires ont livrés les premiers prototypes et, compte tenu de leurs performances, il a été rapidement décidé d’effectuer un test en conditions réelles avec un instrument en service. PIONIER a été choisi car son fonctionnement interférométrique a besoin d’un détecteur très rapide pour corriger les effets de la turbulence atmosphérique, et un faible niveau de bruit afin de détecter des objets de faible luminosité.

Les premières observations se sont focalisées sur des étoiles de types variées (géantes lumineuses et naines de faibles luminosités) pour déterminer les caractéristiques de RAPID. Ces tests clés ont été effectués avec succès, et le détecteur a alors été immédiatement utilisé dans des buts purement scientifiques.

’’C’est un moment historique et une véritable révolution dans le domaine des détecteurs infrarouges’’ d’après l’astronome de l’ESO Antoine Merand quand il a utilisé l’instrument pour la première fois. Le responsable scientifique de l’instrument PIONIER, Jean-Baptiste Le Bouquin (OSUG/IPAG), ajoute : ’’Le précédent détecteur de PIONIER était utilisé depuis plus de 20 ans et il est encore considéré l’un des meilleurs de ce type. Cela illustre combien nous avons du travailler dur pour avoir cette nouvelle génération en main.’’

L’extrème sensibilité de RAPID est basée sur l’effet avalanche. Chaque photon atteignant le détecteur est converti en bien plus qu’un seul électron, facilitant ainsi sa détection. Cette multiplication est presque parfaite, avec seulement l’introduction d’une très petite quantité de bruit en excès.

L’effet avalanche est obtenu sans avoir besoin de refroidir le détecteur à de très faibles températures, rendant inutile l’utilisation d’un système cryogénique complexe, ce qui simplifie considérablement le conditionnement et l’utilisation du détecteur. Ainsi, deux jours seulement ont été nécessaire à l’équipe pour installer cet équipement révolutionnaire à l’intérieur de PIONIER.

Un détecteur tel que RAPID représente un effort financier d’environ 12 millions d’euros, investi sur 5 ans par le Fonds Unique Interministériel du gouvernement français (FUI-RAPID). Son installation à Paranal a été financée par l’Agence Nationale pour la Recherche grâce au Labex FOCUS (ANR-11-LABX-13), avec un soutien de l’ESO. Dans les années à venir, FOCUS va poursuivre l’effort de recherche sur la technologie « avalanche » dans le but de construire des camera infrarouge encore plus performantes.

Les partenaires
 le Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information (LETI : CEA)
 l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA)
 l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (OSUG/IPAG : Université Joseph Fourier / CNRS)
 le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (OSU Pythéas/LAM : Aix-Marseille Université / CNRS)
 la Société Française de Détecteurs Infrarouge (SOFRADIR)

Informations techniques
• Format : 320 x 255 pixels de 30μm
• Technologie : HgCdTe, intra-pixel CDS et CTIA, 0.3 à 3.3μm @ 77K
• Vitesse : 1.5kHz plein format, >5kHz avec fenêtrage
• Bruit : 1e- par lecture double-corrélé avec un gain de x20
• Signal noir : 1000e-/s (limité par le setup instrumental)
• Consommation : 122mW

Contacts scientifiques locaux :
 Philippe Feautrier, IPAG, Investigateur Principal de RAPID : +33 4 76 63 58 93 | philippe.feautrier |at| obs.ujf-grenoble.fr
 Pierre Kern, IPAG, Investigateur Principal de FOCUS : pierre.kern |at| obs.ujf-grenoble.fr
 Jean-Baptiste Le Bouquin, OSUG/IPAG, Investigateur Principal (PI) de PIONIER : jean-baptiste.lebouquin |at| obs.ujf-grenoble.fr

Sources
 Revolutionary visible and infrared sensor detectors for the most advanced astronomical AO systems, Philippe Feautrier*, Jean-Luc Gach, Sylvain Guieu*, Mark Downing, Paul Jorden, Johan Rothman, Eric D. de Borniol, Philippe Balard, Eric Stadler*, Christian Guillaume, David Boutolleau, Jérome Coussement, Johann Kolb, Norbert Hubin, Sophie Derelle, Clélia Robert, Julien Tanchon, Thierry Trollier, Alain Ravex, Gérard Zins*, Pierre Kern*, Thibaut Moulin*, Sylvain Rochat*, Alain Delboulbé*, Jean-Baptiste Lebouquin*, Proc. SPIE 9148, Adaptive Optics Systems IV, 914818 (July 21, 2014) ; doi:10.1117/12.2055324
* Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, CNRS, Univ. Grenoble Alpes, France
 PIONIER : a 4-telescope visitor instrument at VLTI, J.-B. Le Bouquin1, J.-P. Berger2, B. Lazareff1, G. Zins1, P. Haguenauer2, L. Jocou1, P. Kern1, R. Millan-Gabet3, W. Traub4, O. Absil6⋆⋆, J.-C. Augereau1, M. Benisty5, N. Blind1, X. Bonfils1, P. Bourget2, A. Delboulbe1, P. Feautrier1, M. Germain1, P. Gitton2, D. Gillier1, M. Kiekebusch7, J. Kluska1, J. Knudstrup7, P. Labeye8, J.-L. Lizon7, J.-L. Monin1, Y. Magnard1, F. Malbet1, D. Maurel1, F. Ménard1, M. Micallef1, L. Michaud1, G. Montagnier2, S. Morel2, T. Moulin1, K. Perraut1, D. Popovic7, P. Rabou1, S. Rochat1, C. Rojas2, F. Roussel1, A. Roux1, E. Stadler1, S. Stefl2, E. Tatulli1 and N. Ventura1, 2011, A&A, vol. 535, article id 67
1 UJF-Grenoble1/CNRS-INSU, Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG) - UMR 5274, Grenoble, France
2 European Organisation for Astronomical Research in the Southern Hemisphere (ESO), Casilla 19001, Santiago 19, Chile
3 NASA Exoplanet Science Institute (NExScI), California Institute of Technology, Pasadena, California, USA
4 Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, Pasadena, California, USA
5 Max Planck Institut für Astronomie, Konigstühl 17, 69117 Heidelberg, Germany
6 Institut d’Astrophysique et de Géophysique, Université de Liège, 17 allée du Six Août, 4000 Liège, Belgium
7 European Organisation for Astronomical Research in the Southern Hemisphere (ESO), Karl-Schwarzschild-Str. 2, 85748, Garching bei Munchen, Germany
8 CEA-LETI, MINATEC Campus, 17 rue des Martyrs, 38054 Grenoble Cedex 9, France

Cette actualité est également relayée par :
 European Southern Observatory - ESO (source)
 l’Université Joseph Fourier - UJF

[1RAPID

Mis à jour le 21 juillet 2015