Disparition de Claude Lorius, pionnier de la recherche sur les glaces polaires

© Photo prise avec l’appareil de Claude Lorius/Fonds Lorius/CNRS Photothèque
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de Claude Lorius survenu le 21 mars 2023, un des fondateurs de la climatologie moderne. Sa disparition laisse un vide énorme pour la communauté scientifique de l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG) qui perd un éminent chercheur, un ancien collègue et directeur du Laboratoire de Glaciologie LGGE et qui aura contribué avec ses équipes et d’autres scientifiques, à laisser une empreinte majeure sur la compréhension du climat passé et futur de la planète.
Claude Lorius a été l’un des pionniers de la recherche sur les glaces polaires, menant des expéditions en Antarctique pendant quatre décennies. Sa première expédition en 1957, à 25 ans, dans la station Charcot pendant l’année géophysique internationale, est restée gravée dans sa mémoire. Il restera un an sur place, et n’aura de cesse de revenir sur ce continent de glace tant prisé des explorateurs et des scientifiques.

Ses recherches scientifiques débutent réellement lors de ses travaux de thèse soutenus en 1963 à Saclay. Il est l’un des premiers à proposer une méthode, à partir des isotopes de l’eau (la neige) pour reconstituer la température de la neige au moment de sa chute. Un outil inédit qui sera appliqué plus tard pour déduire les températures des climats passés dans les carottes de glace. Un second hivernage, cette fois-ci à Dumont d’Urville en 1965, lui permet d’avoir une intuition capitale : les bulles d’air de la glace extraite de l’Antarctique contiennent une information sur la composition de l’atmosphère passée. Plusieurs décennies s’écoulent cependant avant que ne soient publiés, en 1987, trois articles qui montreront – sans aucune ambiguïté – le lien entre climat et CO2 dans des carottes de glace vieilles de 150 000 ans.

Passionné, aventurier, il sillonne l’Antarctique, noue des collaborations décisives avec les Russes notamment à Vostok, et est l’initiateur des premiers grands forages au Dôme C. Son parcours de chercheur au CNRS le mènera de Saclay à Grenoble où il rejoint le laboratoire de Glaciologie Alpine créé par Louis LLiboutry pour former le Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement, aujourd’hui appelé l’Institut des Géosciences de l’Environnement. Il dirige ce laboratoire entre 1984 et 1988.

Son travail a été reconnu par de nombreux prix et distinctions, notamment la Médaille d’or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française, obtenue avec son collègue et ami Jean Jouzel en 2002.

Au-delà de ses contributions scientifiques, Claude Lorius était également un homme inspirant qui a su partager sa passion pour la science avec le grand public. Il a notamment été le sujet d’un documentaire applaudi, "La Glace et le Ciel", qui raconte son parcours et ses découvertes en Antarctique.

Avec la disparition de Claude Lorius en 2023, le monde de la science a perdu l’un de ses plus grands chercheurs, un homme qui a consacré sa vie à la compréhension du climat de notre planète. Son héritage demeurera et, quelques jours à peine après la sortie du 6e rapport de synthèse du GIEC, la communauté scientifique réalise à quel point ses recherches ont été fondatrices pour comprendre et prédire le changement climatique. Au-delà de la seule communauté scientifique, Claude Lorius aura été, à travers ses travaux, ses interventions, un éclaireur déterminant auprès du grand public, alertant sur l’urgence à agir face au défi du changement global.

Interview réalisée pour les Rencontres Montagnes et Sciences, novembre 2015, Palais des Sports de Grenoble.

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Éléments de biographie

  • Février 1932 : naissance à Besançon
  • 1957  : Hivernage à Charcot pour AGI
  • 1960  : Victoria Land Traverse
  • 1963  : Thèse sur le deutérium (Saclay)
  • 1965  : Hivernage à Dumont Durville (forage G1)
  • 1967  : A Crary (US) suggère à Paul Emile Victor un projet de grandes traversées afin d’étudier l’antarctique de l’Est (réunion SCAR)
  • 1967  : le CNRS suggère le rapprochement de l’équipe parisienne avec celle Lliboutry à Grenoble. Sera signé en décembre 1968 par Paul-Émile Victor, devient effective pour la rentrée universitaire de 1969.
  • 1970  : Lorius rejoint le laboratoire de Lliboutry en 1970, accompagné de son équipe venant de Saclay. Enseignement du C4 de géophysique option glaciologie crée par Lliboutry.
    Le projet IAGP vise à étudier l’Antarctique de l’est (collaboration US -URSS, France, UK). UK réalisant une couverture radar de l’Antarctique, épaisseur de glace, dômes… L’idée d’un forage à dôme C prend naissance. Le projet international est discuté lors des réunions annuelles du SCAR
  • 1971  : Campagne IAGP1 : Dumont Durville - 800 km en direction de Vostok
  • 1975  : Reconnaissance Pole Sud et Dôme C
    • 1978  : Forage Dôme C avec le support US et utilisation de l’isotope pour évaluer la variation de température (30 000 ans d’archives)
  • 1981  : SCAR les soviétiques atteignent 2000m à Vostok, proposition de collaboration avec Lorius.
  • 1985  : Campagne à Vostok.
  • 1985-88 : Lorius directeur du LGGE
  • 1979-1990 : publication de trois papiers Nature : 150 000 ans d’archives et relation climat-CO2
  • 1993  : Papier publié dans Science : The Ice Record of Greenhouse Gases
  • 1992  : Président de l’IPEV avec Gendrin directeur jusqu’en 2002
    — *2002  : médaille d’or du CNRS avec J. Jouzel,
    Mais aussi : prix Balzan avec Oeschger et Dansgaard, prix blue planet….
  • 2015 : décoration par F. Hollande : légion d’honneur




Cet article a initialement été publié par l’INSU-CNRS.
Biographie publiée par ses collègues de l’institut des géosciences de l’environnement (IGE) [1].

[1L’IGE se propose de rassembler les témoignages d’amitié qu’il transmettra à la famille. Contact : ige-direction univ-grenoble-alpes.fr.

Mis à jour le 4 mai 2023