La déglaciation peut-elle changer l’activité des failles ? L’exemple de la Terre de Feu

A l’extrême sud de la Patagonie, la faille de Magallanes-Fagnano sépare les plaques tectoniques Amérique du Sud et Scotia au niveau de l’île de Terre de Feu, dans un des endroits naturels les mieux préservés de la planète.
Carte tectonique de la Tierra del Fuego et sismicité historique

Lorsque ces plaques bougent l’une par rapport à l’autre, de gros séismes peuvent se produire, comme en 1949 où deux tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,5 secouèrent la région le même jour. Mis à part ces séismes, l’activité de cette faille est totalement inconnue, puisque les archives historiques datent de la colonisation occidentale survenue uniquement à la fin du XIXème siècle. Mais la Terre de Feu a été également marquée par un autre événement naturel beaucoup plus ancien : la dernière glaciation. Il y a environ 20 000 ans, une grande partie de la Terre de Feu était recouverte par les glaciers andins. L’action érosive et sédimentaire des glaciers a complètement remodelé et réinitialisé le relief. Parallèlement, elle a créé de nouvelles morphologies au travers de la zone de faille, comme des vallées ou des crêtes, qui ont ensuite enregistré la déformation tectonique sur plusieurs cycles sismiques jusqu’à nos jours.

Il s’agit donc d’un exemple remarquable où nous pouvons comparer le comportement d’une faille active en contexte glaciaire sur le long et sur le court terme. L’objectif est de mieux comprendre l’impact des changements climatiques sur le fonctionnement des failles dans les régions ayant été affectées par les glaciations. Ce cas est notamment similaire à celui des Alpes.

En utilisant l’imagerie satellitaire haute résolution et l’analyse morphotectonique de terrain, nous avons cartographié les ruptures de surface des tremblements de terre de 1949, ainsi que les déformations cumulées sur la période post-glaciaire dans la partie orientale de l’île de Terre de Feu. La datation d’une vallée fossile décalée d’une centaine de mètres par la faille nous a permis de quantifier une vitesse de glissement millénaire des plaques tectoniques le long de la faille. Cette vitesse, d’environ 6 mm/an, est identique à celle déterminée par les données GPS sur les 20 dernières années. Ce résultat suggère que le comportement de cette partie de la faille de Magallanes-Fagnano est stable sur le long et sur le court terme.

Nous sommes en train de poursuivre l’étude dans la partie occidentale de l’île, anciennement recouverte par des épaisseurs de glace beaucoup plus importantes. L’objectif est de pouvoir quantifier l’évolution de la vitesse de la faille le long de son tracé en fonction de la répartition de la charge glaciaire au maximum de la dernière glaciation. La modélisation mécanique, basée sur ces résultats, devrait nous permettre d’expliquer quels paramètrent contrôlent la dynamique de ce processus.

Reconstruction du déplacement cumulé par retro-déformation
Escarpement tectonique le long de la faille

Références

Co‐seismic deformation and post‐glacial slip rate along the Magallanes‐Fagnano fault, Tierra Del Fuego, Argentina, Roy S., R. Vassallo, J. Martinod, M. C. Ghiglione, C. Sue, P. Allemand. Terra Nova 32, 1, pp. 1-10 (2020)

Contact scientifique local

 Sandrine ROY ISTerre - sandrine.roy univ-savoie.fr

Publié le 1er avril 2020

Mis à jour le 20 mai 2020