La glace du Mont Blanc révèle une augmentation du phosphore tout au long du 20ième siècle

Carottage profond au col du dôme du Goûter (4 250 m) lors de l’opération Ice Memory en 2016. © Christian Vincent, IGE / OSUG
Une étude unique du phosphore dans la glace prélevée au Col du Dôme dans les Alpes, réalisée par une équipe de recherche du CNRS-INSU, impliquant des scientifiques de l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE), un laboratoire membre de la fédération OSUG, révèle une augmentation significative des dépôts de phosphore en Europe au cours du 20ième siècle.

Le phosphore (P) est un oligoélément indispensable pour la faune et la flore. Si à l’échelle globale sa source atmosphérique dominante, l’émission de poussières terrigènes [1], est raisonnablement bien connue, en régions tempérées et anthropisées d’autres sources deviennent importantes comme l’émission de particules par la végétation (spores de champignons, pollens) et par certaines activités humaines (combustion du charbon, industrie de l’acier). Avec une incertitude de plus d’un ordre de grandeur, ces deux dernières sources demeurent très mal quantifiées. Réduire ces incertitudes est d’autant plus important que ces sources émettent du phosphore plus facilement biodisponible que celui émis avec les poussières terrigènes.

Des analyses chimiques dans les carottes de glace (phosphore et traceurs de sources) prélevées au Col du Dôme dans les Alpes ont été réalisées pour documenter et comprendre l’évolution des teneurs en P en Europe au cours de 20ième siècle. Ces données ont été comparées aux dépôts estimés par le modèle de dispersion d’aérosol FLEXPART utilisant les données statistiques de consommation de charbon et de production de fonte et d’acier.

Cette étude unique du phosphore dans la glace réalisée par une équipe de recherche du CNRS-INSU [2], montre une augmentation d’un facteur 2-3 des dépôts entre la période préindustrielle et la fin du 20ième siècle. Cette augmentation résulte tout d’abord d’une augmentation récente des émissions terrigènes (apports sahariens en particulier) comme en témoigne l’augmentation du cérium. Elle a été accompagnée d’une augmentation des émissions liée à la forte expansion des forêts en France après 1960. Enfin, les émissions fortement polluantes résultantes de la combustion du charbon et la sidérurgie ont également perturbé le budget du phosphore au milieu du 20ième siècle pour décroître fortement dans les années 80 suite à l’installation de filtres à particules et système de désulfurisation. Par ailleurs, ces observations dans la glace sont en meilleur accord avec la fourchette basse des estimations des émissions de phosphore proposées dans la littérature tant pour la végétation que pour les combustions.

Evolution passée du phosphore, de sa composante non crustale et du cérium dans la glace du Mt Blanc. Les trois encadrés résument l’évolution des concentrations (en ppb) de P, de sa fraction terrigène (dust) ainsi que celles liées à la végétation (bio) et aux processus anthropiques (coal/steel).

Références

Legrand, M., McConnell, J.R., Bergametti, G., Plach, A., Desboeufs, K., Chellman, N., Preunkert, S., & Stohl, A., A two-fold increase of phosphorus in Alpine ice over the twentieth century : Contributions from dust, primary biogenic emissions, coal burning, and pig iron production, Journal of Geophysical Research-Atmospheres, 2023. DOI : https://doi.org/10.1029/2023JD039236

Contact scientifique local

 Suzanne Preunkert, Chercheuse CNRS à l’institut des géosciences de l’environnement (IGE)

Cet article a initialement été publié par le CNRS INSU.

[1Émission de poussières continentales (sols, déserts).

[2Laboratoires CNRS impliqués
Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphèriques (LISA - IPSL)
Tutelles : CNRS / UPEC / Univ. Paris Cité
Institut des géosciences de l’environnement ( IGE - OSUG)
Tutelles : CNRS / UGA / IRD / INRAE

Mis à jour le 16 novembre 2023