Nanotubes d’imogolite : la courbure d’une surface minerale la rend moins hydrophile

La surface extérieure plate de la gibbsite et courbée des nanotubes d’imogolite ont des structures de surface très similaires. La courbure de l’imogolite induit un effet hydrophobe, avec une affinité vers l’eau réduite comparée à son équivalent planaire. © Alejandro Fernandez-Martinez © Alejandro Fernandez-Martinez
Une étude internationale menée par des chercheurs de l’Institut des Sciences de la Terre (ISTerre/OSUG, UGA / CNRS / USMB / IRD / UGE) sur des nanotubes d’imogolite révèle que la courbure d’une surface minérale la rend moins hydrophile. Les résultats ont été publiés en août 2020 dans la revue Environmental Science : Nano.

Les nanotubes d’imogolite, un minéral composé d’aluminium et de silicium, sont couramment trouvés dans les sols volcaniques. Leur grande surface et leur réactivité sont en partie responsables de la richesse agronomique de ces sols. Ils contrôlent le cycle biogéochimique (c’est-à-dire la période cyclique où un élément chimique se déplace entre la biosphère, la lithosphère, l’atmosphère et l’hydrosphère) de certains éléments traces métalliques. Ils sont également capables de stocker à long terme de la matière organique (MO) et du carbone. Cette affinité entre les nanotubes d’imogolite et la MO suggère une sorte d’interaction spécifique : les surfaces minérales protègent ainsi la MO de sa dégradation par les microorganismes.

L’immobilisation de la MO par les surfaces minérales est souvent contrôlée par des interactions hydrophobes (une surface minérale hydrophobe repousse les molécules d’eau, favorisant l’interaction avec des molécules de MO, moins polaires). Cependant, les propriétés de mouillage de ces nanotubes restent peu connues, ce qui empêche l’évaluation à long terme de la stabilisation de la MO dans les sols. Ainsi, une comparaison a été faite entre les propriétés hydrophiles/hydrophobes de la gibbsite, un minéral d’aluminium plat, et la surface externe de l’imogolite synthétique représentant la contrepartie courbe de la gibbsite.

Des expériences en spectroscopie de force atomique ont ainsi montré que, malgré leur structure de surface identique, la surface courbée de l’imogolite est moins hydrophile que celle de la gibbsite. Des simulations par dynamique moléculaire ont fourni une explication à cette observation : la courbure de l’imogolite induit une structure des liaisons hydrogène différente de celle de son équivalent planaire. De ce fait, l’énergie d’hydratation s’abaisse. La courbure de la surface donne lieu aussi a des différentes propriétés d’acidite de la surface de l’imogolite.

Cet "effet nanotube" pourrait s’appliquer à d’autres systèmes nanotubulaires présentant des courbures élevées, ce qui aurait un impact sur leurs propriétés de mouillage et leur stabilité colloïdale. Ceci pourrait permettre la formation de complexes organo-minéraux très stables, expliquant la grande stabilité de la MO observées dans ces sols.


Référence

Curvature-induced hydrophobicity at imogolite-water interfaces - Environmental Science : Nano (2020)
Alejandro Fernandez-Martinez, Jinhui Tao, Adam F. Wallace, Ian C. Bourg, Mark R. Johnson, James J. De Yoreo, Garrison Sposito, Gabriel J. Cuello et Laurent Charlet. DOI : 10.1039/D0EN00304B

Contact scientifique local

 Alejandro Fernandez-Martinez | ISTerre / OSUG

Article initialement publié par l’INSU.

Mis à jour le 15 octobre 2020