Les observations les plus détaillées de la matière orbitant à proximité d’un trou noir

Communiqué de presse ESO
L’exceptionnelle sensibilité de l’instrument GRAVITY de l’ESO a apporté un nouvel élément de confirmation de l’existence présupposée d’un trou noir supermassif au centre de la Voie Lactée. © ESO/Gravity Consortium/L. Calçada
L’exceptionnelle sensibilité de l’instrument GRAVITY de l’ESO a apporté un nouvel élément de confirmation de l’existence présupposée d’un trou noir supermassif au centre de la Voie Lactée. De nouvelles observations stipulent en effet la présence de gaz tourbillonnant à une vitesse inférieure à trois fois celle de la lumière le long d’une orbite circulaire située en périphérie de l’horizon des événements. C’est la toute première fois que de la matière est observée à si grande proximité du point de non retour. En outre, il s’agit des observations les plus détaillées à ce jour de matière orbitant à si grande proximité d’un trou noir.

Des scientifiques membres d’un consortium d’institutions européennes, dont l’IPAG/OSUG (CNRS, UGA) [1], ont utiilisé l’instrument GRAVITY qui équipe l’Interféromètre du Very Large Telescope (VLT) de l’ESO pour observer les émissions de rayonnement infrarouge en provenance du disque d’accrétion qui entoure Sagittarius A*, l’objet massif situé au cœur de la Voie Lactée. Les sursauts de luminosité observés offrent la confirmation tant attendue que l’objet situé au centre de notre galaxie est bel et bien un trou noir supermassif. Les sursauts sont émis par la matière qui orbite à très grande proximité de l’horizon des événements du trou noir. Il s’agit des observations les plus détaillées à ce jour de la matière se déplaçant à si grande proximité d’un trou noir.

La matière composant le disque d’accrétion – l’anneau de gaz qui orbite autour de Sagittarius A* à des vitesses relativistes [2] – peut se déplacer autour du trou noir en toute sécurité. En revanche, tout objet qui s’en rapproche trop est condamné à traverser l’horizon des événements. Ainsi, l’ensemble des positions que la matière peut occuper sans se trouver irrésistiblement attirée par l’énorme masse centrale définit l’orbite stable la plus proche du trou noir. De cette orbite proviennent les éruptions observées.

“Le spectacle de la matière orbitant autour d’un trou noir massif à quelque 30% de la vitesse de la lumière est tout simplement époustouflant”, précise Oliver Pfuhl, scientifique au MPE. “L’exceptionnelle sensibilité de GRAVITY nous a permis d’observer les processus d’accrétion en temps réel et avec des détails inégalés.”

Ces mesures ont été possibles grâce à une collaboration internationale et à une instrumentation de pointe [3]. L’instrument GRAVITY a joué un rôle fondamental : il a permis de combiner la lumière en provenance des quatre télescopes du VLT de l’ESO et donc de créer un super télescope virtuel de 130 mètres de diamètre. Par le passé, il avait déjà permis de sonder la nature de Sagittarius A*.

En début d’année, GRAVITY et SINFONI, un autre instrument installé sur le VLT, avaient permis à la même équipe de précisément caractériser le survol rapproché de l’étoile S2 et donc sa traversée de l’intense champ gravitationnel généré par Sagittarius A*. Pour la première fois, la théorie de la relativité générale d’Einstein se trouvait confirmée dans un environnement aussi extrême. Au cours du survol rapproché de S2, un intense rayonnement infrarouge fut également détecté.

“Nous avons suivi le mouvement de S2 avec attention, tout en observant Sagittarius A*,” précise Oliver Pfuhl. “Lors de nos observations, nous avons eu la chance de détecter trois brillantes éruptions issues des environs du trou noir – il s’agissait d’une heureuse coïncidence !”

Cette émission issue d’électrons hautement énergétiques situés à très grande proximité du trou noir s’est traduite par la survenue de trois fortes éruptions de lumière. Ce phénomène est en accord parfait avec les prévisions théoriques concernant les points chauds en orbite autour d’un trou noir doté de quatre millions de masses solaires [4]. Les éruptions sont censées provenir d’interactions magnétiques au sein du gaz très chaud orbitant à très grande proximité de Sagittarius A*.

Reinhard Genzel de l’Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre (MPE) à Garching en Allemagne, a piloté cette étude. Il conclut ainsi : “Cela a toujours été l’un de nos rêves, jamais pourtant nous n’aurions osé espérer qu’il se réalise si rapidement”. Se référant à l’hypothèse selon laquelle Sagittarius A* constitue un trou noir supermassif, Genzel ajoute : “Ce résultat offre la confirmation du paradigme du trou noir massif. ”

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Detection of orbital motions near the last stable circular orbit of the massive black hole SgrA*⋆,R. Abuter, A. Amorim, M. Bauböck, J. P. Berger, H. Bonnet, W. Brandner, Y. Clénet, V. Coudé du Foresto, P. T. de Zeeuw, C. Deen, J. Dexter, G. Duvert, A. Eckart, F. Eisenhauer, N. M. Förster Schreiber, P. Garcia, F. Gao, E. Gendron, R. Genzel, S. Gillessen, P. Guajardo, M. Habibi, X. Haubois, Th. Henning, S. Hippler, M. Horrobin, A. Huber, A. Jiménez-Rosales1, L. Jocou, P. Kervella, S. Lacour, V. Lapeyrère, B. Lazareff, J.-B. Le Bouquin, P. Léna, M. Lippa, T. Ott, J. Panduro, T. Paumard, K. Perraut, G. Perrin, O. Pfuhl, P. M. Plewa, S. Rabien, G. Rodríguez-Coira, G. Rousset, A. Sternberg, O. Straub, C. Straubmeier, E. Sturm, L. J. Tacconi, F. Vincent, S. von Fellenberg, I. Waisberg, F. Widmann, E. Wieprecht, E. Wiezorrek, J. Woillez and S. Yazici, GRAVITY Collaboration, Astronomy & Astrophysics, juillet 2018.
Doi : 10.1051/0004-6361/201834294

Contact scientifique local

 Karine Perraut | Chercheuse à l’IPAG/ OSUG l karine.perraut univ-grenoble-alpes.fr l T 04 76 63 55 15

► Ce communiqué de presse a été publié par l’ESO.


Plus d’informations

Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé "Detection of Orbital Motions Near the Last Stable Circular Orbit of the Massive Black Hole SgrA*", par la Collaboration GRAVITY, paru au sein de la revue Astronomy & Astrophysics le 31 octobre 2018.

L’équipe de la Collaboration GRAVITY est composée de : R. Abuter (ESO, Garching, Germany), A. Amorim (Universidade de Lisboa, Lisbon, Portugal), M. Bauböck (Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics, Garching, Germany [MPE]), J.P. Berger (Univ. Grenoble Alpes, CNRS, IPAG, Grenoble, France [IPAG] ; ESO, Garching, Germany), H. Bonnet (ESO, Garching, Germany), W. Brandner (Max Planck Institute for Astronomy, Heidelberg, Germany [MPIA]), Y. Clénet (LESIA, Observatoire de Paris, PSL Research University, CNRS, Sorbonne Universités, UPMC Univ. Paris 06, Univ. Paris Diderot, Meudon, France [LESIA])), V. Coudé du Foresto (LESIA), P. T. de Zeeuw (Sterrewacht Leiden, Leiden University, Leiden, The Netherlands ; MPE), C. Deen (MPE), J. Dexter (MPE), G. Duvert (IPAG), A. Eckart (University of Cologne, Cologne, Germany ; Max Planck Institute for Radio Astronomy, Bonn, Germany), F. Eisenhauer (MPE), N.M. Förster Schreiber (MPE), P. Garcia (Universidade do Porto, Porto, Portugal ; Universidade de Lisboa Lisboa, Portugal), F. Gao (MPE), E. Gendron (LESIA), R. Genzel (MPE ; University of California, Berkeley, California, USA), S. Gillessen (MPE), P. Guajardo (ESO, Santiago, Chile), M. Habibi (MPE), X. Haubois (ESO, Santiago, Chile), Th. Henning (MPIA), S. Hippler (MPIA), M. Horrobin (University of Cologne, Cologne, Germany), A. Huber (MPIA), A. Jimenez Rosales (MPE), L. Jocou (IPAG), P. Kervella (LESIA ; MPIA), S. Lacour (LESIA), V. Lapeyrère (LESIA), B. Lazareff (IPAG), J.-B. Le Bouquin (IPAG), P. Léna (LESIA), M. Lippa (MPE), T. Ott (MPE), J. Panduro (MPIA), T. Paumard (LESIA), K. Perraut (IPAG), G. Perrin (LESIA), O. Pfuhl (MPE), P.M. Plewa (MPE), S. Rabien (MPE), G. Rodríguez-Coira (LESIA), G. Rousset (LESIA), A. Sternberg (School of Physics and Astronomy, Tel Aviv University, Tel Aviv, Israel, Center for Computational Astrophysics, Flatiron Institute, New York, USA), O. Straub (LESIA), C. Straubmeier (University of Cologne, Cologne, Germany), E. Sturm (MPE), L.J. Tacconi (MPE), F. Vincent (LESIA), S. von Fellenberg (MPE), I. Waisberg (MPE), F. Widmann (MPE), E. Wieprecht (MPE), E. Wiezorrek (MPE), J. Woillez (ESO, Garching, Germany), S. Yazici (MPE ; University of Cologne, Cologne, Germany).

L’ESO est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 15 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l’infrarouge. C’est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope géant (ELT pour Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L’ELT sera « l’œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».

[1Ce travail de recherche a été mené par des scientifiques de l’ESO, de l’Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre (MPE), de l’Observatoire de Paris, de l’Université Grenoble Alpes (IPAG/OSUG), CNRS, de l’Institut Max Planck dédié à l’Astronomie, de l’Université de Cologne, du Centre d’Astrophysique et de la Gravitation (CENTRA) Portugais, et de l’ESO.

[2Aux vitesses relativistes, les effets de la Théorie de la Relativité d’Einstein deviennent significatifs. Dans le cas du disque d’accrétion qui entoure Sagittarius A*, le gaz se déplace à une vitesse voisine de 30% de la vitesse de la lumière.

[3GRAVITY fut conçu par une collaboration composée de l’Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre (Allemagne), du LESIA de l’Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université/Univ. Paris Diderot et de l’IPAG de l’Université Grenoble Alpes/CNRS (France), de l’Institut Max Planck dédié à l’Astronomie (Allemagne), de l’Université de Cologne (Allemagne), du Centre d’Astrophysique et de la Gravitation (Portugal) et de l’ESO.

[4La masse solaire est une unité astronomique. Elle désigne la masse du Soleil et équivaut à 1.989 × 1030 kg. Sgr A* est donc dotée d’une masse 1,3 trillion de fois supérieure à celle de la Terre.

Mis à jour le 22 novembre 2018