Alpes du Nord : nouvelles projections climatiques de l’enneigement à moyenne altitude

Communiqué de presse METEO-FRANCE/CNRS/IRSTEA publié le 17 avril 2018
Le rocher de l’Homme, un sommet de 2755 m d’altitude situé dans le massif de Belledonne, le 3 mars 2018. © Daniel Goetz
La neige saisonnière est sensible aux variations du climat, et les travaux de recherche de ces dernières décennies projettent une réduction massive des quantités de neige naturelle attendues sur les massifs montagneux au cours du 21e siècle. Une nouvelle étude menée par le Centre national de recherches météorologiques (CNRM, Météo-France/CNRS associé à l’Université de Toulouse et l’Université Grenoble Alpes concernant le Centre d’études de la neige) et l’équipe ETNA de l’Irstea à Grenoble [1] a utilisé les projections climatiques les plus récentes et des méthodes statistiques avancées pour l’ajustement de ces projections en zone de montagne. Ces résultats, publiés dans la revue scientifique The Cryosphere datée du 10 avril 2018, permettent de simuler l’évolution de la neige pour un massif caractéristique des Alpes du Nord (Chartreuse, 1500 m d’altitude).

La manteau neigeux vulnérable au changement climatique

L’enneigement joue un rôle important pour les écosystèmes et les communautés humaines de montagne (ressources en eau, risques naturels, tourisme, etc.). Or, le manteau neigeux de montagne réagit de façon multiple aux effets du changement climatique. De petites variations de température suffisent à perturber significativement la répartition des précipitations entre pluie et neige au cours de l’hiver, en particulier en moyenne montagne. Des températures plus élevées sont généralement associées à une fonte précoce du manteau neigeux. L’observatoire nivométéorologique du col de Porte (1325 m, massif de la Chartreuse) permet de mesurer l’ampleur de ce phénomène depuis le début des années 1960, et constitue à ce titre un des indicateurs de l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (ONERC [2]). Au col de Porte, l’épaisseur moyenne de neige en hiver pour la période 1990-2017 est en moyenne 39 cm plus basse que pour la période 1960-1990, soit une baisse de 40 % environ. La température de l’air en hiver a augmenté de près d’un degré sur la même période. Ces tendances se superposent à des variations importantes d’une année à l’autre.

De nécessaires actualisations des projections climatiques

Plusieurs études menées en France comme dans d’autres pays depuis les années 1990 ont démontré que le changement climatique en cours et projeté au 21e siècle s’accompagnait d’une réduction significative de l’enneigement moyen, particulièrement à moyenne altitude. Les progrès en modélisation du climat et de la neige ainsi que les mises à jour régulières des projections climatiques à l’échelle mondiale et régionale requièrent l’actualisation régulière des projections des effets du changement climatique sur l’enneigement de montagne. Les travaux de recherche publiés le 10 avril dans la revue scientifique The Cryosphere s’appuient sur les projections climatiques mondiales de dernière génération (CMIP5) qui ont alimenté un ensemble de modèles régionaux de climat dans le cadre du programme EUROCORDEX. Cet ensemble de projections climatiques a été ajusté pour être utilisé pour les montagnes françaises en utilisant la méthode ADAMONT [3] développée au CNRM, puis a alimenté le modèle Crocus d’évolution du manteau neigeux.

L’importante masse de données générée pour ces simulations permet d’estimer de façon plus robuste que précédemment les tendances d’enneigement au 21e siècle et leurs incertitudes pour le massif de la Chartreuse à 1500m d’altitude, pris pour exemple dans cette étude.

Une tendance à la baisse de l’enneigement

Les résultats confirment la tendance à la baisse de l’enneigement pour tous les scénarios de concentration de gaz à effet de serre au 21e siècle (Representative Concentration Pathways), avec une distinction entre les scénarios à partir du milieu du 21e siècle. Les projections indiquent aussi un maintien de la variabilité interannuelle des conditions d’enneigement. Toutefois, les hivers bien enneigés seront de plus en plus rares et les hivers peu enneigés de plus en plus fréquents.
Pour la première fois, l’étude s’est également attachée à quantifier les liens entre réchauffement à l’échelle planétaire et effets locaux (par exemple, pour un massif montagneux). Elle démontre que les variations locales d’enneigement sont proportionnelles à l’accroissement de température depuis l’époque pré-industrielle. Pour un réchauffement de 1.5°C depuis cette époque, la diminution de l’épaisseur moyenne de neige par rapport à la période de référence 1986-2005 est de 24 % ± 12 % et la durée de la saison enneigée est réduite de 23 ± 8 jours. Pour un réchauffement de 2°C, les réductions d’épaisseur et de durée de saison atteignent respectivement 32 % ± 10 % et 34 ± 6 jours. Pour ces indicateurs, par rapport à une période de référence commune, la réduction de l’épaisseur moyenne de neige est de 25 % par degré de réchauffement mondial, et près d’un mois de durée de saison d’enneigement par degré. Ces valeurs permettent d’estimer directement à l’échelle locale l’effet des choix socio-économiques opérés à l’échelle mondiale, dans le cadre de l’Accord de Paris et ses déclinaisons. La méthode est en cours d’application à d’autres massifs montagneux français (Alpes et Pyrénées), et peut être étendue à d’autres secteurs d’application, comme l’évolution future du risque d’avalanches, celle des glaciers alpins, des écosystèmes et, moyennant la prise en compte des méthodes de gestion de la neige, les stations de sport d’hiver.


Le Centre d’études de la neige et Irstea sont des laboratoires ou équipes associées de l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG). Cette étude a été menée dans le cadre du projet ADAMONT financé par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire dans le cadre du programme GICC et a bénéficié de l’appui du projet Clim’Py de l’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique et du projet Trajectories de l’Université Grenoble Alpes.

Source

Verfaillie D., Lafaysse M., Déqué M., Eckert N., Lejeune Y. and Morin S. : Multi-component ensembles of future meteorological and natural snow conditions for 1500 m altitude in the Chartreuse mountain range, Northern French Alps, The Cryosphere, 12, 1249-1271, https://doi.org/10.5194/tc-12-1249-2018, 2018.

Contact scientifique local

 Samuel Morin, CEN/OSUG (Météo-France/CNRS) | samuel.morin[at]meteo.fr

Communiqué
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 Météo France
 le CNRS

[1Erosion torrentielle, neige et avalanches (ETNA) d’Irstea

[3Verfaillie D., Déqué M., Morin S., and Lafaysse M. : The method ADAMONT v1.0 for statistical adjustment of climate projections applicable to energy balance land surface models, Geosci. Model Dev., 10, 4257-4283, https://doi.org/10.5194/gmd-10-4257-2017, 2017.

Mis à jour le 18 juillet 2018