James Webb découvre sa première exoplanète
Communiqué CNRS / Observatoire de Paris - PSL / UGA
Le James Webb Space Telescope (JWST) a permis de caractériser plusieurs exoplanètes déjà connues depuis sa mise en service en 2022. Grâce aux travaux [1] dirigés par une chercheuse CNRS de l’Observatoire de Paris-PSL, associée à l’Université Grenoble Alpes [2], il vient de réaliser l’image directe d’une exoplanète inconnue jusqu’alors. Cette découverte, à paraître le 25 juin 2025 dans la revue Nature, est une première pour le télescope. Elle a été permise par un coronographe de fabrication française installé sur l’instrument MIRI du JWST.
Les exoplanètes sont des cibles privilégiées en observation astronomique car elles permettent de mieux comprendre comment se forment les systèmes planétaires, y compris le nôtre. Si plusieurs milliers ont été détectées de manière indirecte, obtenir des images d’exoplanètes représente un véritable défi. Elles sont en effet peu lumineuses et sont, vues depuis la Terre, situées très près de leur étoile. Leur signal est noyé dans celui de l’étoile, sans s’en détacher suffisamment pour être visible. Pour surmonter ce problème [3], le CNRS a développé, en collaboration avec le CEA, un dispositif pour l’instrument MIRI du JWST : un coronographe. Il permet de reproduire l’effet observé lors d’une éclipse ; masquer l’étoile permet d’observer plus facilement les objets qui l’entourent sans qu’ils soient dissimulés par sa lumière. C’est cette technique qui a permis à une équipe de recherche menée par une chercheuse du CNRS de découvrir une nouvelle exoplanète, la première à l’être par le JWST. Elle se trouve dans un disque de débris rocheux et de poussières.
Des anneaux dans des disques de débris
Les scientifiques ont privilégié les cibles d’observation les plus prometteuses : des systèmes âgés de quelques millions d’années, vus par le pôle de leur étoile depuis la Terre, une configuration qui permet de voir les disques par « le dessus ». Les planètes tout juste formées dans ces disques sont encore chaudes, ce qui les rend plus lumineuses que leurs consœurs plus âgées. Les planètes peu massives sont en principe plus facilement détectables dans le domaine de l’infrarouge thermique moyen, sur lequel le JWST a ouvert une fenêtre d’observation unique. Parmi tous les disques vus de face, deux ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs, de précédentes observations ayant révélé des structures annulaires concentriques en leur sein.
Les scientifiques soupçonnaient jusqu’alors ces structures d’être le fruit d’interactions gravitationnelles entre des planètes non identifiées et des planétésimaux [4]. Appelé TWA 7, l’un des deux systèmes présente trois anneaux distincts, dont un particulièrement fin, entouré de deux régions vides presque sans matière. L’image obtenue par le JWST a révélé une source au cœur-même de cet anneau fin. Après avoir éliminé les hypothèses d’un potentiel biais d’observation [5], les scientifiques sont arrivés à la conclusion qu’il s’agit très probablement d’une exoplanète. Des simulations détaillées ont effectivement confirmé la formation d’un anneau mince et d’un « trou » à la position exacte de la planète, en accord parfait avec les observations effectuées par le JWST.

L’image capturée par l’instrument MIRI du JWST y est superposée.
La zone de vide entourant TWA 7 B est clairement visible (CC #1) au sein de l’anneau R2. © A.-M. Lagrange et al. - Evidence for a sub-jovian planet in the young TWA7 disk
Quelles perspectives pour les futures découvertes d’exoplanètes ?
Baptisée TWA 7 b, cette nouvelle exoplanète est dix fois plus légère que celles imagées jusqu’à présent ! Sa masse est comparable à celle de Saturne, soit environ 30% de celle de Jupiter, la plus massive des planètes du Système solaire. Ce résultat marque un nouveau jalon dans la recherche et l’imagerie directe d’exoplanètes de plus en plus légères. Le JWST a le potentiel d’aller encore plus loin à l’avenir. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir imager des planètes pouvant avoir seulement 10% de la masse de Jupiter. Cette découverte ouvre la voie vers l’imagerie d’exoplanètes de type terrestre. Elles seront l’objectif des futures générations de télescopes spatiaux et terrestres, dont certains utiliseront également des coronographes plus perfectionnés. Les systèmes candidats les plus prometteurs sont d’ores et déjà en cours d’identification pour ces futures observations.
Référence
Evidence for a sub-jovian planet in the young TWA7 disk, A.-M. Lagrange, C. Wilkinson, M. Mâlin, A. Boccaletti, C. Perrot, L. Matrà, F. Combes, D. Rouan, H. Beust, A. Chomez, B. Charnay, S. Mazevet, O. Flasseur, J. Olofsson, A. Bayo, Q. Kral, G. Chauvin, P. Thebault, P. Rubini, J. Milli, F. Kiefer, A. Carter, K, Crotts, A. Radcliffe, J. Mazoyer, T. Bodrito, S. Stasevic, P. Delorme, M. Langlois, le 25 juin 2025, Nature, DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-025-09150-4
Contacts scientifiques locaux
– Anne-Marie Lagrange, chercheuse CNRS associée à l’IPAG
– Julien Milli, astronome UGA à l’Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble rattaché au laboratoire IPAG
– Philippe Delorme, astronome-adjoint UGA à l’Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble rattaché au laboratoire IPAG
Ce communiqué de presse a été initialement publié par le CNRS
[1] Ce projet a été financé par le Conseil européen de la recherche (CER) dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (COBREX ; convention de subvention n° 885593).
[2] Du LIRA, Laboratoire d’instrumentation et de recherche en astrophysique (CNRS/Observatoire de Paris/Sorbonne Université/université Paris Cité), de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes), du Laboratoire d’étude de l’Univers et des phénomènes extrêmes (CNRS/Obs. de Paris/Sorbonne Université), du Centre de recherche astrophysique de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard), du Département d’informatique de l’École normale supérieure (CNRS/Inria/ENS-PSL) et de l’Observatoire de la Côte d’Azur (CNRS/OCA).
[3] Contrairement à la coronographie, les deux principales méthodes de détection sont indirectes. La méthode des transits consiste à observer une baisse de luminosité d’une étoile lorsqu’une de ses planètes passe devant elle. La méthode des vitesses radiales mesure les variations de vitesse d’une étoile provoquées par l’influence gravitationnelle de sa planète pour détecter cette dernière.
[4] Corps rocheux d’une taille de quelques kilomètres constituant les briques de formation des planètes, au sein des systèmes planétaires en formation, ou dans les disques de débris. Par collisions, ils produisent les poussières observées dans les disques de débris.
[5] La source aurait pu notamment être une galaxie située en arrière-plan.
Mis à jour le 25 juin 2025