Antarctique : le vent sublime les flocons de neige

À l’aide de ces données inédites récoltées durant une année sur la côte de la Terre Adélie et de simulations effectuées avec des modèles atmosphériques, les chercheurs ont observé un phénomène ignoré jusqu’ici, à savoir une diminution des précipitations neigeuses à proximité du sol dans les régions côtières de l’Antarctique. Ils ont estimé à 17 % cette réduction du cumul de précipitations neigeuses par rapport à son maximum en altitude, à l’échelle du continent. Leurs mesures indiquent par ailleurs une réduction allant jusqu’à 35 % sur les régions du pourtour de l’Antarctique de l’Est. Et ce phénomène pourrait s’accentuer sous l’effet du changement climatique, selon les chercheurs.

2) Le radar profileur de l’IGE en opération continue depuis novembre 2015.
Ces résultats ont tout d’abord surpris les chercheurs. En effet, la forte baisse des précipitations enregistrée près du sol ne correspondait pas aux observations habituelles. Ils ont alors émis l’hypothèse que la diminution des précipitations observée dans les basses couches de l’atmosphère était liée à un phénomène de sublimation des cristaux par les vents catabatiques. Fréquents, ces forts vents proviennent des hauts plateaux du continent. Étant donné le peu de relief de la calotte antarctique, ils se renforcent et parviennent sur les côtes en créant un première fine couche d’air (jusqu’à 300 m d’épaisseur) saturée de neige soulevée et, au-dessus, une seconde couche d’air beaucoup plus sec. En traversant cette seconde couche, les flocons de neige formés dans les couches nuageuses plus en altitude se subliment, passant donc directement de l’état solide à l’état gazeux, ce qui diminue au bout du compte la contribution des précipitations au bilan de masse de la calotte glaciaire. Cette couche correspond à une zone aveugle pour les satellites, à cause des échos de la surface, ce qui explique que ce phénomène n’ait pas pu être observé par ce moyen jusqu’ici.
Les chercheurs ont ensuite identifié la présence des vents catabatiques capables de produire ce phénomène de sublimation dans la majorité des données de radiosondage disponibles auprès des stations scientifiques permanentes en Antarctique de l’Est. En utilisant différents modèles numériques validés par comparaison avec les mesures collectées en Terre Adélie, ils ont quantifié le phénomène à l’échelle du continent et montré l’influence significative de ce processus de sublimation sur le cumul de précipitation.
Le bilan de masse de la calotte glaciaire est une donnée essentielle pour prévoir la hausse ou la baisse du niveau des mers. En raison du réchauffement climatique, les scientifiques s’attendent généralement à une augmentation des précipitations en Antarctique. L’interaction des vents catabatiques avec les précipitations pourrait toutefois remettre en cause ces prévisions et les complexifier. L’équipe planifie donc de nouvelles observations sur le continent afin de compléter les données récoltées en zone côtière et de s’intéresser aux zones de topographie plus complexe. Des comparaisons avec différents types de modèles atmosphériques sont aussi prévues. Plus généralement, les chercheurs souhaitent contribuer à l’étude des effets du changement climatique sur les précipitations en Antarctique.
Source
Jacopo Grazioli, Jean-Baptiste Madeleine, Hubert Gallée, Richard M. Forbes, Christophe Genthon, Gerhard Krinner and Alexis Berne, “Katabatic Winds Diminish Precipitation Contribution to the Antarctic Ice Mass Balance”, Proceedings of the National Academy of Sciences, 25 September 2017
DOI : 10.1073/pnas.1707633114
Contact scientifique local
– Christophe Genthon, IGE/OSUG, christophe.genthon[at]univ-grenoble-alpes.fr, 04 76 82 42 15
Cette actualité est également relayée par
– l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)
Mis à jour le 18 juillet 2018