Claude Lorius a reçu le 4 mai 2017 le prix Bower de l’Institut Franklin de Philadelphie

Portrait de Claude Lorius
© LGGE
>Le glaciologue Claude Lorius a reçu le prix Bower de l’Institut Franklin pour sa contribution à la compréhension du changement climatique mondial à partir de l’analyse des concentrations de gaz à effet de serre dans les carottes de glace antarctiques, et notamment pour la découverte de la relation cyclique glaciaire-interglaciaire entre la concentration atmosphérique du dioxyde de carbone et la température de l’atmosphère.

Au cours de ses 60 années de carrière, Claude Lorius a exploré le continent antarctique, recueillant des carottes de glace afin d’analyser les données qu’elles contenaient. Il a étudié ainsi l’histoire climatique des 420 000 dernières années de notre planète et révélé une sombre réalité : la Terre se réchauffe.

Claude Lorius obtint son baccalauréat et sa maîtrise de physique à l’Université de Besançon au milieu des années 1950. Sa carrière commença après qu’il eut répondu à une annonce affichée sur un tableau de son école, indiquant que l’on était à la recherche de scientifiques pour l’Année géophysique internationale. Il se retrouva rapidement intégré à des explorations pionnières de zones inexplorées de l’Antarctique. Ses premières expéditions furent destinées à recueillir des informations sur les conditions environnementales de certains camps de base à travers ce vaste et rude continent. Son équipe y mesura la vitesse du vent, la température ainsi que le niveau et l’épaisseur de la glace, des données qui seront utilisées par la suite pour modéliser le flux de la calotte glaciaire.
En 1963, Claude Lorius défendit sa thèse de doctorat en physique, dans laquelle il décrivait comment les températures du passé pouvaient être reconstruites à partir de la mesure des isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène dans la glace - une méthode encore utilisée de nos jours. Un an plus tard, il émit l’hypothèse que les bulles d’air présentes dans les échantillons de glace devaient avoir conservé la composition des gaz atmosphériques de l’époque de leur encapsulation. Cette même année, il rejoignit le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement du CNRS pour continuer à analyser les carottes de glace et travailler sur son hypothèse. Il effectua toute son activité de recherche au CNRS, une carrière qu’il termina comme directeur de recherche émérite.

Claude Lorius au Pôle Sud - 1984
© Jean-Robert Petit/Fonds Lorius / CNRS Photothèque

Des forages profonds dans des conditions de froid hostiles exigent le financement et l’expertise d’une collaboration internationale de chercheurs et de spécialistes de la logistique polaire. Claude Lorius a ainsi travaillé avec des experts des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Australie et de l’URSS, ce qui est particulièrement remarquable car un nombre important d’expéditions se sont déroulées pendant la guerre froide.
Claude Lorius et ses collègues ont recueilli au moins trois tonnes de carottes de glace au cours de 20 expéditions, explorant plusieurs contrées de ce continent qu’il a lui-même qualifié d’"hostile et sans pitié". Il a ainsi échantillonné la région côtière de la Terre Adélie, les chaînes de montagnes de la Terre Victoria et, à la plus haute altitude de 2 400 mètres, le glacier continental à la station Charcot.
Son intuition à propos des bulles d’air dans les carottes de glace et sa méthode de reconstruction des températures passées ont permis de recueillir une mine d’informations sur notre planète. À la fin des années 1970, Claude Lorius a prélevé des carottes de glace à des profondeurs de plus en plus grandes, remontant de plus en plus loin dans l’histoire du climat terrestre. Leur analyse a permis aux scientifiques de mettre en évidence que la Terre avait subi des périodes naturelles de réchauffement et de refroidissement. Cette information était précieuse. Néanmoins, l’obtention de carottes de glace encore plus profondes s’est révélée nécessaire pour bien comprendre l’évolution de la température terrestre et déterminer sans équivoque ce qui induisait la période de réchauffement actuelle.
Une décennie plus tard, Claude Lorius s’est donc aventuré à nouveau en Antarctique pour forer à Vostok, la station la plus reculée sur le continent (à 1 400 km de la côte la plus proche) et la plus froide de la Terre, une carotte de glace de 2 083 mètres, non altérée par les mouvements de la calotte glaciaire et contenant de la glace vieille de plusieurs centaines de milliers d’années. L’analyse de cette carotte a confirmé que la Terre avait subi au cours de cette période des cycles de réchauffement et de refroidissement qui coïncidaient avec les augmentations et diminutions des concentrations des gaz à effet de serre. Les carottes de glace obtenues plus récemment, et permettant de remonter plus loin dans le temps, ont révélé que jamais au cours des 800 000 dernières années les concentrations des gaz à effet de serre n’avaient été aussi élevées qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, Claude Lorius a déclaré : "les analyses en laboratoire ont montré une accélération de la hausse de la température et de la teneur en gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle, il y a quelque 200 ans, une rapidité et une amplitude jamais observées. Pour nous, il était évident que les activités humaines étaient responsables".

Claude Lorius a été honoré de nombreux prix, dont le prix Humboldt, la médaille Belgica, le prix Italgas, le prix Tyler pour les réalisations environnementales et le prix Balzan de la climatologie. Il est officier de la Légion d’honneur et membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies. Il est également membre étranger de l’Académie des sciences de Russie, membre de l’Academia Europaea et membre de la Société européenne de géophysique (EGU). Plus récemment, Claude Lorius et ses études sur le changement climatique ont été le sujet du film documentaire de Luc Jacquet intitulé "La glace et le ciel".

Cette actualité est également relayée par

 CNRS le Journal :
Claude Lorius, une vie sur la glace
Claude Lorius distingué aux États-Unis
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018