La glace révèle enfin le mystère de ses dislocations...

Traitement d’un cliché EBSD montrant un joint de grain (noir) séparant deux grains, les zones où les dislocations non-basales dominent (en jaune), et celles où les dislocations basales (classiques) dominent (en bleu). Les flèches indiquent le sens des “Weighted Burgers Vectors” qui caractérisent ces dislocations et les hexagones les orientations cristallographiques principales des deux grains.
Une équipe internationale [1] de chercheurs, conduite par l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / UGA / INPG / IRD) et le laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS / Université Montpellier / Université Antilles), a contribué à percer le mystère de la nature des dislocations dans la glace.

L’écoulement des calottes polaires et des glaciers résulte en grande partie de la déformation viscoplastique (ou ductile) de la glace, sous le poids des couches successivement accumulées. Cet écoulement est fortement tributaire des conditions climatiques, et nos capacités à le modéliser dans un climat qui change dépendent de la connaissance des modes de déformation de la glace.
Les dislocations sont des défauts linéaires dans la structure des cristaux qui entrent en mouvement sous l’effet d’une contrainte pour induire la déformation viscoplastique des minéraux, métaux, céramiques et de la glace. Lors de sa déformation, la glace a toutefois la particularité d’activer essentiellement des dislocations basales. Or, cette famille de dislocations ne peut pas, à elle seule, produire de déformations dans toutes les directions. Il est donc nécessaire d’invoquer d’autres modes pour accommoder des sollicitations telles que celles impliquées dans les écoulements des calottes polaires ou glaciers. Toutefois, les preuves directes d’une activation d’autres familles de dislocations dans la glace manquaient.
La collaboration entre les participants français au projet ANR DREAM et leurs collègues internationaux a permis d’associer des mesures d’orientations cristallographiques à haute résolution par cryo-EBSD (analyse par Electron BackScattering Diffraction) réalisées à Géosciences Montpellier à une nouvelle méthode d’analyse des gradients d’orientation intra-cristallins, et ainsi de mettre en évidence des dislocations non basales dans des échantillons de glace déformés en laboratoire. La cryo-EBSD adaptée à la glace est une technique relativement récente, et les spécificités du microscope CrystalProbe de Montpellier ont permis d’obtenir, pour la première fois, des clichés de résolution suffisante pour cette analyse spécifique.

Ces dislocations non basales, qui n’avaient jamais été observées de manière aussi claire, apparaissent en quantité suffisante pour justifier leur prise en compte dans les modèles de déformation de la glace.
Elles apportent, en particulier, le chaînon manquant à la chaîne des déformations élémentaires nécessaires pour expliquer la déformation viscoplastique de la glace en laboratoire, mais aussi et surtout lors des écoulements des calottes polaires et des glaciers.

Ce travail a été effectué dans le cadre du projet ANR-13-BS09-0001 DREAM.


Source

Non-basal dislocations should be accounted for in simulating ice mass flow (2017), T. Chauve, M. Montagnat, S. Piazolo, B. Journaux, J. Wheeler, F. Barou, D. Mainprice and A. Tommasi. Earth and Planetary Sciences Letters, DOI : 10.1016/j.epsl.2017.06.020

Contact scientifique local

 Maurine Montagnat-Rentier, IGE/OSUG, maurine.montagnat[at]univ-grenoble-alpes.fr, 04 76 82 42 67

Cette actualité est également relayée par

 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

[1Ont également participé à ce travail les universités suivantes : Macquarie University (Australia), University of Leeds (UK) et University of Liverpool (UK).

Mis à jour le 18 juillet 2018