Les bouleversements terrestres façonnent la répartition des espèces animales


L’existence de limites biogéographiques entre des groupes d’espèces dont les traits évolutifs diffèrent de manière significative a été suggérée par Alfred Russel Wallace, il y a maintenant plus d’un siècle et demi. Après avoir longuement exploré l’Océanie, le célèbre naturaliste britannique était en effet arrivé à la conclusion qu’une frontière nette séparait l’Australie, majoritairement peuplée de marsupiaux, de l’archipel indonésien abritant des espèces proches des mammifères d’Asie. Alors que plusieurs autres lignes de démarcation de ce type ont été mises en évidence par d’autres naturalistes à travers le monde, les forces qui ont façonné leurs contours n’avaient encore jamais été étudiées. C’est ce travail que vient de réaliser une équipe du Laboratoire d’Écologie Alpine (LECA) de Grenoble.
Les scientifiques ont pour cela analysé la répartition biogéographique actuelle de trois grands groupes phylogénétiques (mammifères, oiseaux, amphibiens) sur l’ensemble des continents de la planète à l’aune de modèles de variation du climat, de formation des montagnes et de mouvements tectoniques. L’étude [1] montre que les divergences évolutives les plus profondes se situent dans les zones soumises à une combinaison de ces trois processus :« Lorsque les plaques continentales africaine, asiatique, arabique et eurasienne sont entrées en collision au cours des cent derniers millions d’années, des chaînes de montagne majeures telles que l’Himalaya se sont formées, ce qui a modifié le climat régional et formé des séparations nettes à travers l’ancien monde », détaille Wilfried Thuiller, directeur de recherche au LECA et coauteur de l’article.
Ainsi, c’est au voisinage immédiat des zones géographiques soumises à cette succession d’événements géologiques et climatiques, comme de part et d’autre de la fameuse ligne Wallace, que des groupes d’espèces appartenant à une même classe d’animaux présentent aujourd’hui les disparités évolutives les plus importantes. Dans les régions du globe peu marquées par l’activité tectonique au cours des temps géologiques, comme l’Amérique du Nord ou l’est de l’Asie, les chercheurs ont en revanche constaté que les différents groupes d’animaux présents y étaient plus étroitement apparentés. « Dans ce cas précis, la plus grande proximité évolutive que l’on observe entre les groupes de mammifères, d’oiseaux ou d’amphibiens semble essentiellement liée à une variation récente des conditions climatiques à l’échelle de ces vastes ensembles continentaux », souligne Wilfried Thuiller.
Source
Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé Global determinants of zoogeographical boundaries , Gentile Francesco Ficetola, Florent Mazel et Wilfried Thuiller, Nature Ecology & Evolution - 6 mars 2017 DOI : 10.1038/s41559-017-0089
Contacts scientifiques locaux
– Wilfried Thuiller, LECA/OSUG, wilfried.thuiller univ-grenoble-alpes.fr
– Roberto A. Geremia, LECA/OSUG, roberto.geremia ujf-grenoble.fr
Cette actualité est également relayée par
– l’institut écologie et environnement du CNRS (INEE)
[1] Ce projet a bénéficié d’un financement du Conseil européen de la recherche (ERC TEEMBIO) sur le thème de la modélisation de la biodiversité.
Mis à jour le 18 juillet 2018