Métropoles asiatiques : les rivières en danger

« Seules 10 % des eaux domestiques d’Ho Chi Minh Ville sont traitées, souligne Emilie Strady, chercheuse IRD de l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / INPG), travaillant au centre. Ces rejets non traités entraînent une dégradation de la qualité de l’eau de la rivière Saigon avec une diminution de la quantité d’oxygène, des concentrations très importantes en matière organique et en nutriments (ammonium et phosphates) favorisant le développement de microalgues lors d’épisodes d’eutrophisation intense pendant plusieurs mois de l’année. »
Déterminer l’origine des polluants

Malgré ce sombre tableau, la rivière semble peu contaminée par les métaux traces [2], à l’exception de l’antimoine et du zinc. Les concentrations de métaux sont plus élevées dans la ville et les canaux urbains, contrairement aux zones situées en amont et en aval de la mégalopole. « L’impact de la ville sur la qualité des sédiments du lit de la rivière Saïgon semble également limité, poursuit-elle. Des recherches complémentaires doivent être menées afin d’identifier les sources de cette contamination, qu’il s’agisse de rejets domestiques, urbains ou industriels. Le rôle des processus biogéochimiques dans le transfert de ces polluants doit également être déterminé, sachant que ce phénomène est soumis à la marée, à une intrusion saline saisonnière et à un contrôle du débit lié à un lac de barrage situé en amont. Nous travaillons avec la ville sur l’amélioration de leur système de suivi afin d’élaborer une vision intégrante et dynamique de cette problématique. »
Au-delà de la rivière Saigon, quel est l’impact de ces polluants sur le littoral situé en aval ? A 40 kilomètres de la ville, la zone de mangrove de Can Gio classée réserve de biosphère par l’UNESCO, pourrait voir ses grandes zones de production d’aquaculture impactées par les eaux usées. Mais l’influence des polluants reste pour l’instant modeste, ces derniers étant dilués par les eaux côtières.
Une vulnérabilité régionale
Outre la pollution, Ho Chi Minh Ville doit faire face à l’affaissement de son sol : elle a été construite sur un delta et 65 % de sa surface est située à 1,5 mètre au-dessus du niveau de la mer. Cette vulnérabilité extrême est représentative de la frange littorale de l’Asie du Sud-Est. D’autres grandes métropoles telles que Bangkok ou Jakarta sont aussi construites sur des deltas dont le sol s’abaisse jusqu’à plus de dix centimètres par an, du fait des pompages intensifs dans les nappes souterraines. Elles doivent également parer à la montée du niveau de la mer, de l’ordre de 3 millimètres par an. « Notre approche multidisciplinaire (hydrologie, biogéochimie, urbanisme, histoire…) a permis d’établir un premier diagnostic des facteurs principaux de vulnérabilité. Nous poursuivrons cette démarche afin de prolonger cette étude en incluant deux nouveaux volets : la pollution aux plastiques et aux contaminants organiques », conclut Emilie Strady.
Source
Strady E, Dang VBH, Némery J, Guédron S, Dinh QT, Denis H, Nguyen PD, Baseline seasonal investigation of nutrients and trace metals in surface waters and sediments along the Saigon River basin impacted by the megacity of Ho Chi Minh (Vietnam). Environmental Science and Pollution Research, 2017. DOI : 10.1007/s11356-016-7660-7
Cette actualité est également relayée par
– l’institut de recherche pour le développement (IRD)
[1] CARE est co-construit avec l’IRD et ses partenaires universitaires, dont Ho Chi Minh City University of Technology et Grenoble-INP. Le projet « Saigon River : la ville et le fleuve » est financé par la Région Auvergne Rhône Alpes
[2] La notion de métaux traces ou d’éléments-traces métalliques tend à remplacer celle de métaux lourds.
Mis à jour le 18 juillet 2018