À la poursuite de l’azote en milieu subalpin
Les premiers résultats de recherches sur le traçage des dépôts d’azote atmosphérique dans les écosystèmes de montagne, soutenus par le Labex OSUG@2020 et par la Région Rhône-Alpes entre 2014 et 2017, viennent d’être publiés. Ces travaux, emblématiques des collaborations facilitées par l’OSUG, ont impliqué des chercheurs et ingénieurs de l’Institut de Géosciences de l’Environnement (IGE/OSUG – CNRS/Grenoble INP/IRD/UGA), du Laboratoire d’écologie alpine (LECA/OSUG - UGA/CNRS/USMB) et de la Station Alpine Joseph Fourier (SAJF/OSUG - UGA/CNRS). Ces travaux ont été menés par Ilann Bourgeois [2] lors de sa thèse codirigée par JC Clément (LECA) et J. Savarino/D. Voisin (IGE).


Dans une série d’études publiées en 2018, les dépôts de NO3-atm ont été suivis dans plusieurs bassins versants le long de la Romanche, entre le Col du Lautaret et Grenoble. Deux ans d’échantillonnage intensif (précipitation, neige, eau de rivières, sols et plantes) et l’utilisation d’un traceur isotopique à haute résolution (δ15N, δ15N, Δ17O) ont ainsi permis d’identifier les principaux mécanismes régissant la dynamique du NO3-atm en montagne :
- La neige agit comme une couche isolante en hiver, et « protège » sols et plantes des dépôts de NO3-atm. En contrepartie, la période de fonte provoque un pic d’exportation du NO3-atm dans les eaux de montagne, et favorise l’eutrophisation et la diminution de la qualité de l’eau. La contribution des NO3-atm est loin d’être négligeable puisqu’elle peut représenter jusqu’à 35% des nitrates circulant dans les rivières alpines1. Cet impact atmosphérique est encore renforcé par les dépôts d’ammonium atmosphérique (NH4+ atm), transformés en nitrates dans les sols puis exportés dans les rivières alpines1. Cependant, les émissions d’ammoniaque (précurseur de NH4+) ne sont pour l’heure que peu régulées, et seront certainement au cœur des défis sociétaux de demain.
- L’utilisation de cette approche isotopique triple a aussi permis de distinguer les différentes sources de nitrate à l’échelle du bassin versant de la Romanche. En zone de montagne, les écoulements de surface contribuent le plus à l’alimentation de la Romanche, et apportent majoritairement du NO3-atm ou du nitrate produit dans les sols par nitrification microbienne. En zone de plaine, la Romanche est surtout alimentée par la nappe qui apporte des nitrates provenant encore une fois de la nitrification, mais aussi des effluents agricoles ou des stations d’épuration2. Ces résultats montrent aussi que ces apports ne sont pas compensés par la faible intensité des processus de rétention (assimilation végétale) ou d’élimination (dénitrification) des nitrates à l’intérieur des cours d’eau alpins. Ainsi, le flux de NO3-atm exporté dans la Romanche en 2016 et 2017 était ainsi égal ou supérieur à celui exporté dans l’Isère en aval de Grenoble, pourtant plus proche de sources de NOx (précurseurs du NO3-atm)2.
Ces travaux se poursuivent afin de comprendre le devenir des apports de NO3-atm dans la végétation et les sols alpins, et leur potentielle influence sur le fonctionnement de ces écosystèmes fragiles.
Source
1 Bourgeois I., Savarino J., Caillon N., Angot H., Barbero A., Delbart F., Voisin D. & J.C. Clément. 2018. Tracing the fate of atmospheric nitrate in a subalpine watershed using Δ17O. Environmental Science & Technology. 52 (10) : 5561–5570. DOI:10.1021/acs.est.7b02395
2 Bourgeois I., Savarino J., Némery J., Caillon N., Albertin S., Delbart F., Voisin D. & J.C. Clément. 2018. Atmospheric nitrate export in streams along a montane to urban gradient. Science of the Total Environment. 633 : 329-340. DOI:10.1016/j.scitotenv.2018.03.141
Contacts scientifiques locaux
– Jean-Christophe Clément, LECA/OSUG | jean-christophe.clement univ-savoie.fr
– Joel Savarino, IGE/OSUG | joel.savarino univ-grenoble-alpes.fr
– Didier Voisin, IGE/OSUG | didier.voisin univ-grenoble-alpes.fr
Contact chercheur
– Ilann Bougeois – Research Associate - NOAA/CIRES | ilann.bourgeois noaa.gov
Mis à jour le 12 novembre 2018