Des astrophysiciens révèlent le rôle de l’évolution des étoiles binaires dans l’origine d’une planète rétrograde
nu Octantis est un système stellaire binaire serré comprenant une étoile primaire sous-géante, nu Oct A, dont la masse est environ 1,6 fois celle du Soleil, et une étoile secondaire, nu Oct B, dont la masse est environ 0,5 fois celle du Soleil. Les deux étoiles orbitent l’une autour de l’autre avec une période de 1 050 jours. En 2004, un signal périodique a été signalé dans les observations de vitesse radiale de ce système (mesures de la façon dont une étoile se rapproche ou s’éloigne de nous), correspondant à la présence d’une planète jovienne d’environ deux fois la masse de Jupiter orbitant autour de l’étoile primaire, nu Oct A, avec une période d’environ 400 jours.
Cependant, l’existence de cette planète a été controversée car son orbite serait si large qu’elle ne peut rester stable que si elle est rétrograde et se déplace dans la direction opposée à l’orbite de la binaire. Il n’existe aucun précédent observationnel pour une telle planète et de solides arguments théoriques s’opposent à sa formation. Pour trancher le débat, l’équipe de recherche a obtenu de nouvelles observations de vitesse radiale de haute précision avec le spectrographe HARPS de l’Observatoire européen austral (ESO), qui ont confirmé l’existence du signal de la planète.
Un autre point clé de cette nouvelle étude a été la détermination de la nature de l’étoile secondaire nu Oct B. La masse de nu Oct B suggère qu’il pourrait s’agir d’une étoile de faible masse de la séquence principale ou d’une naine blanche. Pour identifier le type d’étoile nu Oct B, l’équipe de recherche a utilisé l’instrument d’imagerie à optique adaptative SPHERE du Very Large Telescope de l’ESO pour observer le système. Le fait que nu Oct B n’ait pas été détecté lors de ces observations indique qu’il doit s’agir d’une naine blanche très peu lumineuse. Cela suggère que le système binaire a évolué de manière significative depuis sa formation, puisque nu Oct B a déjà éjecté la majeure partie de sa masse et est entré dans la phase finale de son évolution stellaire.
L’analyse a ainsi permis aux auteurices de découvrir que le système est âgé d’environ 2,9 milliards d’années et que nu Oct B avait initialement une masse d’environ 2,4 fois celle du Soleil et s’est transformé en naine blanche il y a environ 2 milliards d’années : la planète n’a pas pu se former autour de nu Oct A en même temps que les étoiles. Lorsque nu Oct B s’est transformée en naine blanche il y a environ 2 milliards d’années, la planète a pu se former dans un disque rétrograde de matière autour de nu Oct A, accrétée à partir de la masse éjectée par nu Oct B, ou elle a pu être capturée à partir d’une orbite prograde autour de la binaire dans une orbite rétrograde autour de nu Oct A.
Avec ce système, nous pourrions assister au premier cas convaincant d’une planète de deuxième génération, soit capturée, soit formée à partir de matière expulsée par nu Oct B, qui a perdu plus de 75 % de sa masse primordiale pour devenir une naine blanche.
Référence
Ho Wan Cheng, Trifon Trifonov, Man Hoi Lee, Faustine Cantalloube, Sabine Reffert, David Ramm, and Andreas Quirrenbach. A retrograde planet in a tight binary star system with a white dwarf. Nature 2025.
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-025-09006-x
Contact scientifique local
– Faustine Cantalloube, chercheuse CNRS à l’IPAG
[1] Ces travaux de recherches sont basés sur l’utilisation de deux instruments opérés par l’Observatoire Européen Australe (ESO) : le spectrographe High Accuracy Radial velocity Planet Searcher (HARPS) qui équipe le télescope de 3.6m à l’observatoire de La Silla (Chili), et l’instrument Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch (SPHERE) au Very Large Telescope de l’observatoire de Paranal (Chili).
Mis à jour le 4 juin 2025