Des photographies aériennes historiques de l’Antarctique donnent un aperçu unique de l’évolution de la glace depuis les années 1930

La calotte polaire antarctique a reçu une attention croissante de par son potentiel significat et rapide d’élévation du niveau de la mer. Contrairement au Groenland, il existe très peu de connaissances sur la taille et les caractéristiques des glaciers antarctiques avant les années 1990, qui marque le début des observations satellitaires. Par conséquent, les observations anciennes de ces glaciers sont incroyablement précieuses. Elles offrent des aperçus uniques sur la façon dont la glace s’est développée à travers diverses conditions climatiques et nous aident à déterminer si les changements actuels ne rentrent pas dans les cycles naturels d’avance et de recul des glaciers. Par ailleurs, ces données à long terme sur les glaciers sont cruciales pour développer des modèles plus précis des changements futurs, car ces modèles dépendent des données existantes pour faire des prédictions.
Exploration des anciennes archives photographiques
La majorité des photographies aériennes qui forment la base de l’étude ont été prises lors d’une expédition de 1937 organisée et financée par le propriétaire de navires baleiniers et consul norvégien Lars Christensen. Depuis lors, les photos avaient été stockées à l’Institut polaire norvégien à Tromsø et étaient largement oubliées. Lorsque des chercheurs de l’Université de Copenhague ont appris l’existence de l’expédition et la possibilité de photos cachées dans une archive du nord de la Norvège, ils se sont rendus à Tromsø pour examiner la collection. Les photos étaient en bon état et la Fondation Villum a soutenu l’idée de financer une enquête approfondie.
Cette expédition est complètement différente de ce que nous connaissons des expéditions modernes en Antarctique. C’était pratiquement un territoire inexploré, car il y avait très peu de rapports antérieurs sur cette partie du continent. C’est incroyable de penser que les membres de l’expédition étaient les premiers humains à découvrir et documenter bon nombre de ces zones – ce sont donc des images vraiment uniques » ,
déclare Mads Dømgaard, doctorant et premier auteur de l’étude.

L’expédition a photographié environ 2000 km de côte, avec pour objectif de produire les premières cartes de cette région de l’Antarctique de l’Est. Malheureusement, ces cartes n’ont jamais été officiellement publiées en raison de l’invasion allemande de la Norvège. Malgré leur âge, les photographies sont remarquablement bien conservées et de haute résolution, grâce à l’utilisation d’équipements de pointe à l’époque. De plus, le chevauchement substantiel entre chaque photo a permis aux chercheurs de produire des reconstructions des glaciers en trois dimensions.
"En comparant ces modèles 3D historiques avec des données satellitaires modernes, nous pouvons déterminer non seulement si les glaciers ont avancé ou reculé, mais aussi s’ils sont devenus plus épais ou plus minces. Je trouve fantastique que ces vieilles photos puissent être utilisées pour générer de nouveaux résultats de recherche passionnants près d’un siècle après avoir été prises"
, déclare Anders Bjørk, professeur assistant à l’Université de Copenhague, qui dirige le groupe travaillant avec les photos historiques.
Un système en équilibre – mais fragile
En comparant leurs résultats avec des modèles climatiques historiques, les chercheurs ont trouvé que les zones où les glaciers ont grandi ont également vu une augmentation des chutes de neige. Les scientifiques pensent qu’au cours des 200 dernières années, ces changements peuvent être influencée par plusieurs facteurs : le réchauffement atmosphérique, la diminution de la couche d’ozone et un changement de la direction des vents.
Bien que les glaciers dans les régions examinées (qui contiennent suffisamment de glace pour élever le niveau de la mer de 1.15 mètre), soient stables depuis les années 1930, les choses ne sont pas si positives qu’on pourrait le croire.

« Dans cette région on a pu voir que la glace est restée stable pendant presque un siècle. Cependant, nos résultats montrent également un affaiblissement de la banquise, rendant les langues glaciaires flottantes plus susceptibles de se briser et incapables de ré-avancer comme nous l’observons dans les anciennes photos aériennes. »
explique Mads Dømgaard.
« Il faut garder en mémoire que ce que nous observons est assez unique, et que d’autres régions de la calotte, comme l’Antarctique de l’ouest, restent massivement impactés par l’advection d’eaux océaniques chaudes, qui augmentent de manière croissante la fonte »
. Déclare Romain Millan, co-auteur de l’étude et chercheur à l’institut des géosciences de l’Environnement, et ajoute
« ces changements commencent d’ailleurs à affecter les glacier en Antarctique de l’Est qui ont longtemps étaient considérer comme stable ».
Des images aériennes aux modèles 3D. En utilisant des techniques modernes de traitement d’images, les images aériennes du glacier Taylor dans l’Antarctique de l’Est datant de 1937 peuvent être transformées en modèles 3D et en mosaïques d’images. Les scientifiques disposent ainsi d’une occasion unique d’étudier les changements glaciaires survenus sur près d’un siècle.
Référence
Dømgaard, M., Schomacker, A., Isaksson, E. et al. Early aerial expedition photos reveal 85 years of glacier growth and stability in East Antarctica. Nat Commun 15, 4466 (2024). DOI : 10.1038/s41467-024-48886-x
Contact scientifique local
– Romain Millan, chercheur CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE / OSUG)
Mis à jour le 26 août 2024