L’Afrique de l’Ouest et centrale face aux inondations à répétition
Des inondations aux typologies et causes multiples
Il existe deux grands types d’inondation. Celles liées aux débordements des cours d’eau d’une part, résultant d’une accumulation des écoulements provenant de l’amont., Et celles que l’on peut qualifier de pluviales, d’autre part, causées par le ruissellement direct des pluies diluviennes qui submergent les systèmes de drainage. Ces dernières sont souvent plus meurtrières, en particulier dans les zones urbaines.
« la hausse de la fréquence et de la sévérité des inondations est due aux effets combinés du dérèglement climatique et de l’occupation des sols ».
L’augmentation des températures entraîne une intensification du cycle hydro-climatique, avec une alternance d’importants épisodes de sécheresse et de précipitations extrêmes lors des moussons.
« Plus le climat se réchauffe, plus l’atmosphère peut contenir de la vapeur d’eau et plus les pluies sont violentes »,
explique Thierry Lebel, hydro-climatologue IRD à l’institut des géosciences de l’environnement (IGE- OSUG, CNRS / IRD / INRAE / Grenoble INP / Université Grenoble Alpes). Le cumul annuel des précipitations n’est cependant pas nécessairement plus important, mais on assiste à l’émergence d’une plus forte variabilité intra-saisonnière.

L’occupation des sols, quant à elle, joue un rôle déterminant dans les conséquences catastrophiques des inondations, et ce à plusieurs niveaux. À la suite des grandes sécheresses des années 1970 à 2000, les populations ont aménagé les berges et zones basses autrefois immergées. Or, avec l’intensification des pluies, ces espaces sont particulièrement vulnérables aux inondations et se retrouvent régulièrement ravagés par les débordements des cours d’eau. Ce risque est accentué par l’absence de planification urbaine et de prise en compte de la question de l’évacuation des eaux.
« À Dakar, par exemple, faute de réseaux d’assainissement, la nappe phréatique est saturée et ne peut alors plus absorber les eaux de pluie, entraînant d’importants phénomènes de ruissellement »,
explique Ansoumana Bodian, hydrologue au département de géographie de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal.
Les phénomènes de ruissellement sont d’autant plus problématiques que la croissance galopante des mégalopoles d’Afrique centrale et de l’Ouest s’accompagne d’une importante bétonisation, et donc imperméabilisation complète, des sols. Dans les zones rurales, l’imperméabilisation partielle des sols est elle aussi à l’œuvre en raison, notamment, de l’encroûtement lié aux pratiques culturales et aux sécheresses plus intenses.

Mieux comprendre et anticiper les évolutions hydro-climatiques

« Nous disposons de modèles prédictifs sur les précipitations bien moins fiables que sur les températures, car c’est une physique plus complexe, dans laquelle les effets d’échelle jouent un rôle fondamental »,
souligne Thierry Lebel.
Pour améliorer les connaissances scientifiques dans ce domaine, et surveiller les trajectoires hydro-climatiques, il est essentiel de mettre en place des observatoires de qualité sur la durée, ainsi que de former des personnes compétentes sur place.
« Les programmes d’hydrologie, particulièrement d’hydrologie urbaine, sont peu nombreux en Afrique de l’Ouest, or c’est par la formation et la collecte d’informations de qualité que l’on pourra trouver des solutions concrètes à la gestion des inondations »,
explique Ansoumana Bodian.
« les satellites livrent des informations intéressantes mais indirectes. Elles ont besoin d’être validées par les données collectées par un réseau de capteurs au sol »,
développe Ansoumana Bodian. La question de la disponibilité des données ouvertes est également fondamentale pour que les modèles de prévision hydrologique soient pertinents et actualisés.
« Il faut qu’il y ait un dialogue entre les différentes disciplines scientifiques pour que les prévisions météorologiques puissent être traduites en impacts hydrologiques »,
ajoute Yves Tramblay.
Penser des stratégies d’adaptation pertinentes
À ce volet scientifique et technique de production et récupération des données s’ajoute un volet sociologique pour minorer autant que possible les conséquences désastreuses des inondations : la mise en place de systèmes d’alerte efficaces. Sensibilisation des populations, formation de personnes référentes, utilisation du système de téléphonie mobile… De nombreuses pistes restent à explorer et exploiter pour éviter les drames humains. Enfin, il est crucial que les autorités publiques intègrent les nouvelles réalités hydro-climatiques dans la planification urbaine, en matière d’aménagement des territoires et d’adaptation des systèmes de drainage. Autant de solutions qui demanderont le concours des scientifiques, des décideurs et d’une importante partie de la société civile.
Contacts scientifiques locaux
– Thierry Lebel, chercheur IRD à l’IGE (IRD/Université Grenoble-Alpes/Inrae/CNRS/Grenoble INP-UGA)
Cet article, rédigé par Louise Hurel, IRD, a initialement été publié par IRD le Mag’.
Mis à jour le 16 décembre 2024