L’humeur du volcan

Nuées meurtrières, pluie de cendres, panache de gaz toxiques : des images apocalyptiques en provenance d’Indonésie ont fait le tour du monde. En quelques mois, plusieurs volcans de l’archipel sont entrés en éruption. La surveillance et les observations scientifiques s’avèrent cruciales. Un chercheur d’ISTerre dresse un état des lieux de la situation.

Être en tête du palmarès n’offre pas que des avantages. Avec 130 volcans actifs, l’Indonésie paye le prix fort, celui du pays le plus exposé au monde. « L’archipel connaît 10 éruptions par an, en moyenne, confirme Jean-Philippe Métaxian, volcanologue à l’IRD, et cette année, des événements assez remarquables se sont produits. » Le mont Sinabung, sur l’île de Sumatra, inactif depuis près de 1 000 ans, se réveille en 2010 puis fin 2013. L’éruption dure depuis des mois et a contraint à l’abandon un grand nombre de villages alentours.

Éruption du volcan Merapi.
© Rudy Tanjung

Parallèlement, à Java, le Kelut, l’un des volcans les plus dangereux au monde, explose. Après une série de séismes, son dôme s’est volatilisé, projetant un panache de cendres de 20 km de hauteur, avec des retombées jusqu’à Yogyakarta, une ville de plus de 700 000 habitants à 150 km du cratère. Près de 70 000 personnes sont évacuées. Encore à Java, le Merapi montre des signes d’activité depuis novembre dernier. Lors de sa précédente éruption, en 2010, ses nuées ardentes tuaient 350 personnes. « Les trois volcans se trouvent dans des zones densément peuplées. La surveillance est très importante, note le chercheur. Mais il faut rester prudent, notamment dans l’interprétation des schémas historiques. Même un volcan comme le Merapi, avec des éruptions fréquentes et de style similaire, peut présenter des manifestations très différentes, plus explosives. En 2010, le rayon d’évacuation, généralement de 5 km, a dû être élargi jusqu’à 20 km. Une coulée pyroclastique [1] a touché des secteurs habités à 17 km de distance ».

Les volcans sont capricieux et leur activité évolue. Pour preuve, le Sinabung s’éveille après une longue léthargie et le Kelut a totalement changé de style éruptif, en comparaison des décennies précédentes. Les deux éruptions démontrent, comme celle du Merapi en 2010, qu’on ne cède pas à l’habitude avec un volcan. «  Il existe des événements atypiques, c’est pourquoi le suivi doit être toujours plus fin », poursuit Jean-Philippe Métaxian. En partenariat avec leurs homologues indonésiens, les chercheurs IRD de 4 laboratoires français développent de nouvelles méthodes de recherche des signes précurseurs sur des volcans de Java et des Moluques. Les équipes s’appuient sur une plate-forme d’instrumentation géophysique pour mieux comprendre les processus qui concourent aux différents styles éruptifs. « Les volcans sont des systèmes complexes où le magma, en provenance de zones profondes, est transféré en surface à travers un ensemble de conduits, explique le chercheur. Lors de cette migration, de nombreux phénomènes modifient les propriétés du magma et la dynamique du volcan. » L’approche pluridisciplinaire du projet actuellement mené sur le Merapi permet de croiser, à la base, des informations issues de l’étude pétrologique du magma avec celles de « structure » fournie par la sismologie et les mesures de déformation en surface (Projet Domerapi). « Ce projet est une première, affirme le chercheur. Le milieu de la volcanologie, comme les partenaires indonésiens, attendent beaucoup des futurs résultats.  »

Contact scientifique local  
 Jean Philippe Metaxian, ISTerre jean-philippe.metaxian |a|ird.fr +33 (0)4 79 75 81 37  

Source
 IRD - Journal Sciences au Sud n°73, paru en avril 2014 (PDF, 1973 Ko)

[1« Avalanche » ardente de cendres chaudes, de fragments de roches et de gaz volcaniques (nuées ardentes).

Mis à jour le 13 mai 2014