L’impact sanitaire des bioaérosols

Contrôle de la qualité de l’air perfectible
Actuellement, la pollution atmosphérique est évaluée en fonction de la concentration de particules fines présentes dans l’air. Les dispositifs de contrôle de la qualité de l’air permettent de déterminer avec précision la masse des particules en suspension, en temps réel ou à postériori. Au-delà de 50 microgrammes par m3 d’air, des mesures visant à restreindre les émissions sont adoptées, comme la régulation de la circulation automobile. Mais cette méthode semble imparfaite pour prédire le danger sanitaire réel. Ainsi, le salage des routes en hiver, à l’origine d’une forte dispersion de particules dans l’atmosphère, peut créer un « faux positif ». En effet, le sel est inoffensif pour les poumons, et cet afflux ne génère pas d’effets sur la santé perceptibles par l’augmentation du nombre des hospitalisations.
Potentiel oxydant et stress oxydatif

Les scientifiques planchent donc depuis une décennie sur un autre indicateur, bien plus pertinent pour quantifier l’impact sanitaire de la pollution de l’air, le potentiel oxydant. « Cette mesure évalue les caractéristiques des particules et gaz polluants, en fonction de leur propension à générer un stress oxydatif sur les poumons, indique la chercheuse. Certains éléments chimiques ont en effet une action oxydante au contact de la muqueuse pulmonaire, induisant des déséquilibres immunitaires, source de pathologies respiratoires [2] ». Les principaux éléments oxydants sont l’ozone (un gaz) et les particules réglementées, classées sous l’appellation PM10 et PM2,5 [3]. Mais jusqu’à présent, cette approche des polluants atmosphériques s’est focalisée sur les éléments chimiques – contaminants organiques et oxydes métalliques – sans prendre en compte les particules d’origines biologiques. Composées de cellules bactériennes, fongiques, de spores, de débris secondaires issus de ces organismes [4], mais aussi de pollens, ces bioaérosols représentent pourtant 15 à 20 % de la masse des particules en suspension dans l’air. Leur contribution au potentiel oxydant des aérosols était jusque là méconnue.
Impact des microparticules biologiques
« Nous avons entrepris d’évaluer le potentiel oxydant propre de ces cellules et microparticules biologiques, explique pour sa part Abdoulaye Samaké, doctorant en environnement-santé, dont la thèse porte justement sur ces travaux. Et tous les microorganismes modèles que nous avons testés ont révélé en avoir un significatif. Pris individuellement, ils sont donc susceptibles d’affecter la santé ». Ce potentiel oxydant est variable selon les types d’organismes (cellules bactériennes et spores fongiques). Les champignons et les spores ont ainsi 10 fois plus d’impact que les bactéries. De plus, leurs propriétés en la matière sont les mêmes que les bioaérosols soient vivants ou inactivés.
Mis en association avec des particules atmosphériques chimiques, comme cela se présente le plus souvent dans l’air respiré, ces bioaérosols modulent le potentiel oxydant du cocktail. « L’impact sanitaire des champignons tend à s’ajouter à celui des éléments chimiques, précise le jeune scientifique. Mais à l’inverse, certaines bactéries réduisent l’effet oxydant de certaines particules ». Ainsi, la présence de Staphylococcus epidermidis a vec du cuivre divise par deux le potentiel oxydant du métal seul, à la concentration équivalente.
« Ces résultats plaident en faveur de la prise en compte systématique des bioaérosols dans l’évaluation de la qualité de l’air », conclut Gaëlle Uzu.
Source
Samake, A., Uzu, G., Martins, J.M.F., Calas, A., Vince, E., Parat, S., and Jaffrezo, J.L. The unexpected role of bioaerosols in the Oxidative Potential of PM, Scientific Reports, sept. 2017. DOI : 10.1038/s41598-017-11178-0
Contact scientifique local
– Gaëlle Uzu, IGE/OSUG, gaelle.uzu[at]univ-grenoble-alpes.fr, 04 56 52 09 94
Cette actualité est également relayée par
– l’institut de recherche pour le développement (IRD)
[1] De l’Institut des géosciences de l’environnement (IRD, CNRS, Grenoble INP et Université Grenoble Alpes).
[2] Inflammation, asthmes, bronchites chroniques, insuffisances respiratoires...
[3] Particules dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 ou 2.5 microns.
[4] Fragments de bactéries ou de champignons
Mis à jour le 16 mai 2024