L’origine de l’eau : était-elle déjà présente lors de la formation de la Terre ?

On sait que l’eau que nous buvons aujourd’hui s’est formée bien avant la Terre, alors que le Système Solaire n’était qu’un nuage de gaz et de poussières : la Nébuleuse Proto-Solaire. Dans cette nébuleuse, l’eau existait soit sous forme de vapeur, soit gelée sur de petits grains de poussière, qui ont ensuite progressivement coagulé pour former la Terre. Cependant, selon les modèles actuels, la température au niveau de l’orbite terrestre aurait été trop élevée pour permettre à ces grains de conserver leur glace. Cela nécessiterait donc un apport en eau provenant de régions plus froides, c’est-à-dire plus éloignées du Soleil, pendant ou après la formation de la Terre.
Ces modèles se basent sur l’hypothèse que toute la glace sur les grains se sublime d’un coup, lorsque la température de sublimation est franchie. Or, de nouveaux calculs de chimie quantique ont révélé que les molécules d’eau peuvent se lier à la surface des grains de différentes façons, avec de multiples « énergies de liaison ». Cela implique que la sublimation de la glace ne se produit pas à une température unique, avec une transition brutale, mais s’étale sur une zone étendue de températures.
Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont appliqué ce concept à un modèle de la Nébuleuse Proto-Solaire. Ils ont ensuite comparé la proportion d’eau qui reste attachée sur les grains avec la proportion d’eau sur Terre, ainsi que les proportions d’eau dans les météorites qui sont considérés comme des témoins du Système Solaire primordial. Dans tous les cas considérés, on trouve un accord entre les prédictions et les observations.

L’étude démontre ainsi que de la glace d’eau aurait pu survivre sur des grains de poussière malgré les températures relativement élevées à l’orbite terrestre. Bien que partiellement déshydratés, ces grains auraient tout de même retenu suffisamment d’eau pour expliquer l’abondance actuelle sur Terre.
Ces travaux, qui font l’objet d’une publication dans The Astrophysical Journal Letters, suggèrent donc un changement majeur de paradigme : l’eau de notre planète n’aurait pas besoin d’un apport lointain, par exemple des comètes, mais elle pourrait bien être le fruit d’un héritage local.
Référence
Was Earth’s Water Acquired Locally during the Earliest Phases of the Solar System Formation ?
Lise Boitard-Crépeau, Cecilia Ceccarelli, Pierre Beck, Lionel Vacher, and Piero Ugliengo
The Astrophysical Journal Letters, 2025 July 2
Contacts scientifiques locaux
– Lise Boitard-Crépeau, doctorante UGA à l’IPAG / OSUG
– Cecilia Ceccarelli, astronome UGA et astrochimiste à l’IPAG / OSUG
Mis à jour le 16 juillet 2025