La biodiversité microbienne des sols des prairies de montagne influencée par les activités humaines

Les bactéries et les champignons qui composent la microbiologie des sols des prairies de montagne restent mal connus. Pour la première fois une équipe franco-roumaine a mené une étude de biogéographie microbienne de ces communautés à l’échelle des montagnes tempérées de l’Europe. Ces travaux, publiés récemment dans le journal New Phytologist, démontrent que la biodiversité des bactéries mais surtout des champignons des sols de haute montagne est influencée à la fois par la localisation géographique et la composition végétale des prairies. L’équipe composée notamment de chercheurs du Laboratoire d’écologie alpine (LECA - CNRS/Univ. Joseph Fourier/Univ. Savoie Mont Blanc) et du laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB - CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier) constate par ailleurs que la gestion agro-pastorale des alpages est un élément essentiel pour comprendre la structure et la diversité des communautés microbiennes.

Premier plan : Pelouses alpines dominées par Carex curvula (lacs du Domènon, Isère)
Le LECA réalise une première en examinant avec des techniques de séquençage massif de l’ADN la diversité microbienne des sols des pelouses d’altitude des Alpes jusqu’aux Carpates. © P. Choler

L’originalité de la flore des prairies de montagne est étudiée depuis très longtemps par les botanistes. Les champignons et autres bactéries vivant au contact des réseaux racinaires des plantes d’altitude restaient en revanche très peu étudiés. Un coin du voile vient d’être levé grâce au travail d’investigation mené par des chercheurs du Laboratoire d’Ecologie Alpine (LECA, CNRS / Université Joseph Fourier / Université de Savoie) de Grenoble et duJardin botanique Alexandru Borza de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca (Roumanie).

Dans cette étude, les scientifiques ont plus précisément analysé les assemblages microbiens des prairies de haute montagne des Alpes et des Carpates, en distinguant deux types d’écosystèmes : les pelouses alpines naturelles dominées par la laîche courbée (Carex curvula), faiblement affectées par les activités pastorales, et les prairies subalpines où prédomine le nard raide (Nardus stricta). Formées il y a plusieurs milliers d’années au dépens de la forêt de montagne, ces prairiessont gérées de manière plus intensive par le pastoralisme : « A l’aide de techniques récentes de taxonomie moléculaire permettant l’identification des microorganismes à partir de l’ADN isolé des échantillons du sol, nous avons pu montrer que les communautés microbiennes présentes sur chaque type de prairie sont avant tout déterminées par la composition des communautés végétales », explique Roberto A Geremia, microbiologiste au LECA et cosignataire de l’article.

Au sein des pelouses alpines naturelles, le chercheur et son équipe ont également constaté que les communautés microbiennes de champignons et de bactéries présentent une composition caractéristique de chaque région. Ces effets régionaux sont en revanche absents dans les prairies pâturées suggérant ainsi que le pastoralisme a conduit à une certaine homogénéisation des assemblages microbiens à l’échelle biogéographique. Les analyses génétiques pratiquées sur les échantillons de sols ont en outre révélé l’existence d’un « noyau dur » d’espèces microbiennes propre à chacun des deux types de milieux étudiés. Avec toutefois une différence notable entre pelouses alpines et prairies gérées plus intensivement comme le souligne Roberto A. Geremia : « Si le noyau dur des pelouses naturelles compte moins d’espèces que celui des zones pâturées, sa diversité génétique varie en revanche beaucoup d’une région à l’autre ce qui n’est pas le cas des écosystèmes modelés par l’homme. »

Pour les scientifiques, cela implique que les microorganismes qui forment le noyau dur des pelouses alpines ont établi des relations symbiotiques très étroites avec les espèces végétales qui structurent ces milieux. En élargissant les prélèvements de sols à l’ensemble des montagnes tempérées d’Europe (Pyrénées, Alpes, Carpates et Balkans) puis en examinant conjointement plantes, microorganismes du sol et microfaune du sol [1], le groupe de chercheurs compte désormais retracer l’histoire de la mise en place de ces cortèges d’espèces dans les alpages depuis la fin de la dernière glaciation.

Contact scientifique local :
 Roberto A. Geremia, LECA-OSUG

Cette actualité est également relayée par :
 L’Institut Ecologie et Environnement du CNRS - INEE (source)

Source(s) :
Contrasting microbial biogeographical patterns between anthropogenic subalpine grasslands and natural alpine grasslands, par Roberto A. Geremia, Mihai Pușcaș, Lucie Zinger, Jean-Marc Bonneville et Philippe Choler, publié dans New Phytologist le 7 octobre 2015. Lire l’article (en anglais).

[1Ces travaux sont réalisés dans le cadre du projet ANR ODYSSEE

Mis à jour le 11 juillet 2018