La masse de glace du Groenland fond beaucoup plus vite que prévu

Alors que la COP25 arrive à son terme, une nouvelle étude alarmante sur la fonte des glaces du Groenland vient de paraître. Menée par 89 scientifiques, elle compile des données relevées de 1992 à 2018 par des moyens terrestres et spatiaux. Les données de 11 missions satellitaire différentes ont ainsi été utilisées, dont des mesures du volume, de l’écoulement et du potentiel gravitationnel de la calotte.
Le groupe de chercheurs estime que le Groenland a perdu près de 3 800 milliards de tonnes de glace depuis 1992, une perte suffisante pour faire monter le niveau moyen des mers de 10,6 mm ! Les chercheurs constatent en outre un niveau de perte qui ne fait que s’amplifier au fur et à mesure des années. Le taux de perte de glace est en effet passé de 330 milliards de tonnes pour la décennie 1990 à 2 540 milliards de tonnes au cours de la dernière décennie, soit sept fois plus en trois décennies.
La fonte actuelle est particulièrement intense. Les pertes annuelles de glace ont culminé à 335 milliards de tonnes en 2011 - dix fois plus que dans les années 1990 - pendant une période de fonte intense de la surface. Bien que les pertes de glace aient chuté à une moyenne de 238 milliards de tonnes par année depuis lors, elles demeurent sept fois plus élevées qu’il y a 30 ans. Sans compter l’été 2019 qui pourrait mener à un nouveau record annuel en raison de la fonte généralisée qui s’est produite alors, les premières estimations suggérant d’ores et déjà une perte d’environ 500 milliards de tonnes pour cette seule année 2019 !

En 2013, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait prédit que le niveau moyen global de la mer augmenterait de 60 centimètres d’ici 2100 [2], exposant 360 millions de personnes à des inondations côtières annuelles. Cette nouvelle étude, qui montre que les pertes de glace du Groenland suivent plutôt le scénario de réchauffement climatique le plus pessimiste du GIEC, prévoit une augmentation supplémentaire de 7 centimètres, ce qui affecterait 40 millions de personnes supplémentaires.
Les chercheurs ont également utilisé des modèles climatiques régionaux – comme le modèle régional MAR (http://www.mar.cnrs.fr/) développé conjointement par le Laboratoire de climatologie de l’Université de Liège et l’IGE – ce qui leur a permis de montrer que la moitié des pertes de glace du Groenland était due à la fonte de surface, la température de l’air ayant augmenté d’environ 1°C tous les 10 ans depuis 1990. L’autre moitié est due à l’écoulement glaciaire (vêlage d’icebergs) associée à la hausse des températures de l’océan.
Cette étude de l’évaluation de la fonte du Groenland, dirigée par le professeur Andrew Shepherd de l’Université de Leeds et le Dr Erik Ivins du Jet propulsion laboratory de la NASA en Californie, a reçu le soutien de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de la National aeronautics and space administration (NASA).
Référence
SHEPHERD Andrew & al., Mass balance of the Greenland Ice Sheet from 1992-2018, Nature, December 2019 -
DOI:10.1038/s41586-019-1855-2
Contact scientifique local
– Hubert Gallée I IGE / OSUG, I Hubert.Gallee univ-grenoble-alpes.fr I +33 4 76 82 42 13
► Cet article a initialement été publié par le CNRS INSU.
Publié le 17 décembre 2019
[1] Les laboratoires français participants sont l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) et le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiale (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD).
[2] Le GIEC prévoyait d’une part une élévation du niveau de la mer de 50 à 70 centimètres d’ici 2100 selon le Radiative Concentrations Pathway (RCP) 4,5 (Church et al., 2013), avec une estimation moyenne de 60 centimètres, et d’autre part une contribution de la fonte du Groenland à cette hausse de 5 à 16 centimètres, avec une estimation moyenne de 9 centimètres.
Mis à jour le 10 janvier 2020