La poussée d’Archimède comme moteur des "super-éruptions"

Quand aura lieu la prochaine éruption volcanique et quelle sera sa magnitude ? Voilà une question sur laquelle une équipe internationale de chercheurs, parmi lesquels des scientifiques de l’ISTerre, s’est penchée. En s’appuyant sur la modélisation numérique et une approche statistique, les scientifiques ont identifié les paramètres, jusqu’alors inconnus, qui déterminent la fréquence des éruptions en fonction de leur taille. Ils ont découvert que les petites éruptions, qui crachent jusqu’à 500km3 de magma, sont déclenchées par l’accumulation de magma dans la chambre magmatique et sont fréquentes, alors que les phénomènes volcaniques de plus grande envergure, plus rares, sont causées par la flottabilité du magma. Pour la première fois, grâce à ces données, il a été déterminé que l’éruption la plus importante qui pourrait se produire cracherait, au plus, 35 000 km3 de magma. Cette découverte a été publiée dans la revue Nature Geoscience.

Les éruptions volcaniques sont fréquentes sur notre planète. Le stromboli, par exemple, entre en éruption toutes les dix minutes depuis l’époque romaine et crache quelques dizaines de mètres cube de lave à chaque jaillissement, de quoi remplir une piscine olympique tous les deux jours. A l’opposé, la dernière grande éruption qui s’est produite il y a 70 000 ans a expulsé des milliers de kilomètres cube de magma ; suffisamment pour recouvrir la Suisse d’un manteau de cendres volcaniques de 50 mètres d’épaisseur. Jusqu’à présent, les scientifiques ne connaissaient pas exactement les facteurs déterminant la fréquence des éruptions en fonction de leur ampleur. L’éruption de Eyjafjallajökull en Islande l’a démontré, ce manque de connaissances a un impact considérable sur la société et, si le phénomène avait été plus grand encore, sur la vie humaine.

Retour aux fondamentaux

Le stromboli en éruption
© Luca Caricchi, UNIGE
Luca Caricchi, UNIGE

Revenons aux principes physiques de base qui déclenchent une éruption volcanique : la chaleur et la pression. Pour qu’une éruption se produise, il faut que la température du magma dans la chambre magmatique soit suffisamment élevée pour en réduire la viscosité et qu’il y ait assez de pression dans cette chambre pour éjecter le magma. L’accumulation de magma dans des chambres magmatiques de petite taille provoque donc des éruptions volcaniques assez fréquentes et peu importantes puisque le « réservoir » a une taille modérée.

Ce que les scientifiques des universités de Genève, Bristol et Savoie ont découvert, toutefois, c’est que ce mécanisme est différent pour les phénomènes volcaniques de grande ampleur. Dans les grandes chambres magmatiques, l’injection de magma ne suffit pas à créer une pression suffisante pour déclencher une éruption. C’est alors qu’intervient un autre élément : la flottabilité. Le magma, moins dense que les roches qui l’entourent, a tendance à monter vers la surface, ce qui augmente la pression dans la chambre et, au fil des accumulations, provoquera une éruption. Ce mécanisme prend plus de temps et le volume amoncelé est extrêmement important, occasionnant ainsi des « super éruptions ».

1,2 million de simulations

En réalisant près de 1,2 million de simulations avec la méthode Monte-Carlo (en variant les facteurs impliqués de manière aléatoire), les scientifiques ont pu établir des tendances pour tous les phénomènes volcaniques quelle que soit leur taille. Les chercheurs ont utilisé les données de l’âge d’un minéral présent dans la roche volcanique, appelé Zircon, afin de déterminer le temps qu’il a fallu pour construire la chambre magmatique qui alimente les éruptions. Grâce à la combinaison de ces informations sur l’éruption naturelle et aux résultats de la modélisation, l’équipe de chercheurs est désormais en mesure de définir la probabilité qu’une éruption de grande envergure se produise dans les cent ans à venir par exemple. Un paramètre imprévisible impose cependant une marge d’erreur. La quantité de magma produite par la Terre, et par extension le volume qui sera injecté dans la chambre magmatique, varie d’une période et d’une zone géographique à une autre.

Par ailleurs, les chercheurs sont parvenus à définir, pour la première fois, la magnitude maximale d’une éruption volcanique. En sismologie, les spécialistes font référence à l’échelle de Richter pour mesurer l’intensité d’un tremblement de terre et connaître la magnitude maximale. En revanche, en vulcanologie, un tel outil n’existe pas. « Nous avons estimé que l’éruption la plus importante qui pourrait se produire cracherait, au plus, 35 000 km3 de magma. Généralement, environ 10% du contenu de la chambre magmatique est expulsé, ce qui signifie que la plus grosse éruption devrait libérer, en réalité, 3500 km3 de lave, explique Luca Caricchi, professeur à la Section des sciences de la Terre et de l’environnement de l’UNIGE et premier auteur de l’étude. Potentiellement, la prochaine « super éruption » pourrait être celle du volcan du Yellowstone. Reste à déterminer quelle est la probabilité que cette éruption se produise dans les siècles à venir ».

Contact scientifique local Virginie Pinel, ISTerre-OSUG : Virginie.Pinel |at| univ-savoie.fr

Cette actualité est également relayée par
 l’Université de Genève - UniGe (source)
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Référence
Frequency and magnitude of volcanic eruptions controlled by magma injection and buoyancy, Luca Caricchi, Catherine Annen, Jon Blundy, Guy Simpson & Virginie Pinel, Nature Geoscience, 5 janvier 2014. Lire l’article (en anglais)

Mis à jour le 14 janvier 2014