La protection de la couche d’ozone, une source d’inspiration pour la défense du climat

The Conversation
Le succès du sauvetage de la couche d’ozone dans les années 1990 constitue un exemple à suivre pour la lutte contre le changement climatique.

Article rédigé par Patricia Martinerie (CNRS), Gaëlle Uzu (IRD) et Nicolas Gratiot (IRD), chercheurs à l’IGE / OSUG (CNRS, IRD, Grenoble INP, UGA), publié initialement par The Conversation.

On les connaît moins bien que les rapports du GIEC – qui synthétisent depuis les années 1990 les connaissances sur l’état du climat – mais ils ont eu une importance cruciale dans la prise de conscience de l’impact des activités humaines sur l’environnement

Ce sont les rapports évaluant l’état de l’ozone, un gaz dont la couche stratosphérique nous protège des rayons ultraviolets du soleil (qui peuvent provoquer des cancers de la peau ou endommager l’ADN des organismes vivants). Ces documents, dont le premier a été publié en 1985, cherchaient à faciliter la mise en place de mécanismes de lutte les plus efficaces possible.

Publié le 5 novembre 2018, le dernier rapport indique que les options possibles pour accélérer la récupération de la couche d’ozone sont limitées, car toutes les mesures qui peuvent significativement aider ont déjà été prises.

C’est sans doute ce qui en fait un non-événement médiatique. Mais cela témoigne d’un succès très inspirant pour le climat. Car si les alarmes des scientifiques ont retenti presque en même temps pour l’ozone et le climat, seule la situation de l’ozone est en voie d’être réglée.

Évolution prévue du trou dans la couche d’ozone. © Nasa

Le succès du Protocole de Montréal

Deux facteurs majeurs distinguent les problèmes liés l’ozone de ceux liés au changement climatique : l’urgence et l’ampleur des mesures à prendre.

Nous sommes en 1984 et un processus très rapide de destruction de l’ozone – dont la vitesse augmente catastrophiquement avec la teneur en chlore réactif dans l’atmosphère – est identifié dans la région de l’Antarctique. L’opinion mondiale découvre l’existence du « trou dans la couche d’ozone » : au contact des nuages stratosphériques polaires, une molécule de chlore actif libérée par la décomposition des chlorofluorocarbures (CFC) peut détruire un très grand nombre de molécules d’ozone. À cette époque, les CFC sont largement utilisés dans les systèmes de réfrigération et les aérosols.

Quelques années plus tard, au moment de la publication du second rapport, en 1989, l’origine du phénomène n’est pas encore caractérisée avec certitude. Mais la mise en œuvre de mesures contraignantes à l’échelle internationale est, elle, bien enclenchée grâce au Protocole de Montréal (1987), qui prévoit de réduire et d’interdire les substances détruisant la couche d’ozone. Cette mobilisation internationale permet la suppression, entre 1989 et 1996, de l’essentiel des émissions de CFC.

Des simulationsmontrent ce qui se serait passé si rien de tout cela n’avait été fait. En 2040, par exemple, un index UV de 15 aurait été constaté vers midi pendant les mois d’été dans les villes de moyenne latitude. Des conditions propices à déclencher un coup de soleil en une dizaine de minutes, et bien d’autres conséquences massivement destructrices pour les organismes vivants.

Arrêter les émissions de polluants destructeurs de la couche d’ozone nécessitait des mesures rapides et contraignantes à l’échelle mondiale, impliquant l’arrêt complet de certaines filières industrielles et des innovations technologiques pour leur remplacement.

Il y a eu des débats houleux, des remises en cause du problème, mais les mesures essentielles ont été prises, progressivement, le temps d’une décennie, grâce à une indispensable coopération et un accompagnement des pays pauvres par les pays riches. Les citoyens ont contribué à ce succès à la fois dans leurs choix de consommation (en recyclant les vieux réfrigérateurs, en choisissant des bombes aérosol non destructrices de l’ozone, etc.) et par leur vote en faveur de politiques à même de régler le problème.

Une urgence à l’échelle décennale

Aujourd’hui, les mesures à prendre pour limiter le changement climatique sont d’une tout autre ampleur.

Le premier rapport du GIEC sur l’état du climat, publié en 1990, utilisait des modèles représentant encore mal les océans et la biosphère, ainsi que certains processus atmosphériques comme le rôle des aérosols. Progressivement, ces modèles sont devenus capables de simuler plus finement les contributions naturelles et anthropiques (c’est-à-dire d’origine humaine) des variations de la température depuis 1850.

Si les méthodes ont beaucoup progressé, les chiffres clés de projection à l’horizon 2100 de température et de niveau des mers, réclamant des mesures politiques fortes, ont assez peu changé. Ces prévisions sont restées centrées autour de +2,5 à +3,5°C pour la température et +0,5 à +0,8 m pour le niveau des mers, avec des enveloppes d’incertitude beaucoup plus larges.

Mais l’urgence à agir à l’échelle décennale, comme pour l’ozone vers 1990, est désormais criante. Car les quantités déjà émises de gaz à effet de serre persistant très longtemps dans l’atmosphère possèdent des effets très perceptibles qui vont s’amplifier. Toute émission supplémentaire aggravera donc la situation. On ne peut dès lors que s’inquiéter en consultant les récentes courbes du Global Carbon Project montrant que les émissions de CO2 ont atteintun nouveau record en 2018.

Les médias, régulièrement influencés par de puissants groupes de pression s’organisant pour distiller le doute au sujet du changement climatique, ont leur part de responsabilité dans cette prise de conscience tardive. La parole a bien souvent été donnée aux climatosceptiques alors que la quasi-totalité des scientifiques était convaincue de la réalité du changement climatique en cours.

Mobilisations citoyennes

Le problème climatique doit trouver une solution coordonnée à l’échelle mondiale. Le Sommet de la Terre de Rio (1992) a placé la lutte contre le changement climatique dans un contexte de développement durable. Il a fait émerger la notion d’équité, très présente dans les rapports du GIEC à partir de 1995 : équité sociale et internationale pour agir rapidement et efficacement, pour éviter les conflits, et préserver une relative équité intergénérationnelle.

Le dernier rapport du GIEC, sur les avantages d’une limitation du réchauffement global à 1,5°C plutôt qu’à 2°C, a été réalisé à la demande de pays particulièrement vulnérables au changement climatique.

Si les mesures internationales contraignantes tardent à venir, la lutte contre le changement climatique est devenue cette dernière décennie une opportunité industrielle avec le développement des énergies renouvelables, des bâtiments intelligents, etc. Vingt-sept des plus grandes villes du monde, dont Paris, ont réduit leurs émissions d’au moins 10 %, alors même que leur population augmente.

Les choix de vie responsables comptent pour un nombre croissant de citoyens, comme en témoigne l’utilisation du vélo et du vélo électrique en ville. Entre 2015 et 2017, les ventes de vélos électriques ont plus que doublé en France. Les associations d’action pour le climat se multiplient et les marches mondiales remportent un succès grandissant. Mais qu’en sera-t-il de celles prévues ce samedi 8 décembre dans un contexte social très tendu en France ? Comment réconcilier les enjeux climatiques et sociaux ?

En tant que citoyens, nous avons le pouvoir d’agir localement et d’élire des représentants politiques responsables. Pour que nos enfants puissent demain regarder les changements climatiques comme nous le trou d’ozone en train de se résorber.


Source

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Contacts scientifiques

 Patricia Martinerie, IGE/OSUG | patricia.martinerie univ-grenoble-alpes.fr
 Gaëlle Uzu, IGE/OSUG | gaelle.uzu univ-grenoble-alpes.fr
 Nicolas Gratiot, IGE/OSUG | theo.vischel univ-grenoble-alpes.fr

Mis à jour le 30 mars 2021