Le prix Nobel de Physique 2020 récompense les découvertes sur les trous noirs, avec des approches théorique, observationnelle et instrumentale

En observant le mouvement des étoiles centrales durant plus de 16 ans, les astronomes ont pu déterminer la masse du trou noir supermassif qui s’y trouve.
Crédit : ESO/S. Gillessen et al.
Ces découvertes ont été rendues possibles en partie grâce aux instruments d’optique adaptative et d’interférométrie installés sur le Very Large Telescope (VLT) européen basé au Chili. Chercheurs, chercheuses et ingénieur·e·s sont nombreux, à l’IPAG et à l’OSUG, à avoir contribué à ces deux instruments, avec l’optique adaptative NAOS de NACO, et le développement de l’optique intégrée au cœur de GRAVITY. La contribution a concerné l’élaboration de la motivation scientifique et des spécifications clés, la réalisation, l’intégration et les tests, le support administratif, des idées tout à fait innovantes sur le concept, la réduction des données, ou encore la maîtrise et la fourniture de composants clés.
NACO (Nasmyth Adaptive Optics System), contraction de NAOS-CONICA, développé par des consortiums français et allemand avec la collaboration de l’ESO, fut le premier instrument équipé d’une optique adaptative à être installé sur le VLT, en 2001 [2]. La vision extrêmement précise obtenue avec le NACO a grandement contribué aux découvertes majeures faites avec le VLT durant la 1ère décennie des années 2000.
L’image principale de l’annonce du Nobel dans le communiqué de presse de l’ESO est une vue en infrarouge à haute résolution avec optique adaptative du centre galactique obtenue par cet instrument et sa capacité à déterminer précisément les trajectoires des étoiles proches du centre galactique. Ces trajectoires permettent de déduire la masse de l’objet central : l’explication la plus probable pour cette masse, équivalente à 4 millions de fois la masse du Soleil, est l’existence d’un trou noir central. [3]
En compensant les distorsions dues aux turbulences de l’atmosphère terrestre, l’optique adaptative permet un gain en résolution spectaculaire. NAOS a grandement augmenté la finesse des images produites par le télescope ainsi que son potentiel scientifique.
Le succès de cet instrument et l’expertise acquise ont permis par la suite le développement d’autres instruments, dont en premier lieu SPHERE, poussant encore les performances d’optique adaptative vers la détection d’exoplanètes.
Une fois la masse du trou noir estimée et l’environnement des étoiles qui l’entourent identifié, des mesures bien plus précises sont envisagées, dès les années 2000, pour tester la physique de la gravitation en champ gravitationnel fort (dans ces conditions exceptionnelles totalement irréalisables en laboratoire sur Terre) et les caractéristiques de la relativité générale. C’est dans cet objectif qu’a été développé l’instrument GRAVITY.
Le composant a nécessité des développements technologiques spécifiques pour travailler dans un environnement cryogénique, à la longueur d’onde requise, et avec une précision jamais obtenue précédemment. Les composants réalisés ont été le fruit d’une collaboration de plus de 20 ans entre l’IPAG et le CEA-LETI, avec l’appui du réseau RTB.
Depuis sa première lumière en 2016, GRAVITY a enchainé les découvertes majeures et les résultats uniques autour du Centre Galactique — entre autres — avec la mesure du rougissement gravitationnel puis la précession de l’étoile S2, la détection d’une émission en rotation au voisinage de l’horizon du trou noir.
Aujourd’hui, la collaboration entre les équipes françaises et le Max-Planck-Institute für extraterrestrische Physik de Garching se poursuit autour de l’instrument GRAVITY+, qui permettra d’améliorer de plusieurs ordres de grandeur les performances de GRAVITY en termes de sensibilité et de contraste.
Sources
A lire (en anglais) sur le site du Nobel prize :
Scientific Background : Theoretical foundation for black holes and the supermassive compact object at the galactic centre (pdf)
A lire sur le site de l’OSUG :
►Dix ans d’optique adaptative sur le Very Large Telescope
►Le chasseur d’exoplanètes SPHERE livre ses premières images
►Première découverte d’une exoplanète pour Sphère
►Première lumière de la future machine à étudier les trous noirs
►L’instrument Gravity confirme des prédictions de la relativité générale aux abords du trou noir super-massif au centre de la Galaxie
►Première observation d’une étoile qui « danse » autour d’un trou noir supermassif
►Les observations les plus détaillées de la matière orbitant à proximité d’un trou noir
Contact scientifique local
David Mouillet, directeur adjoint de l’IPAG / OSUG | david.mouillet univ-grenoble-alpes.fr
[1] Pierre Léna : voir par exemple son livre “Une histoire de flou” donnant une vue d’ensemble sur les développements en haute résolution angulaire : https://www.academie-sciences.fr/fr/Membres-a-la-une/une-histoire-de-flou-pierre-lena.html
[2] NAOS (Nasmyth Adaptive Optics System) a été développé par un consortium français constitué de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG, anciennement Laboratoire d’astrophysique de Grenoble) et de l’Observatoire de Paris : Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA, anciennement DESPA) et DASGAL (qui n’existe plus). CONICA (CONICA Near-Infrared CAmera) a été développé par un consortium allemand en étroite collaboration avec l’ESO. Ce consortium était constitué des Instituts Max-Planck pour l’astronomie (MPIA, Heidelberg) et pour la recherche extraterrestre (MPE, Garching).
[4] L’instrument GRAVITY est le fruit d’une collaboration entre l’Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre (MPE, Allemagne), le LESIA à l’Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université / Univ. Paris Diderot et l’IPAG de l’Université Grenoble Alpes / CNRS (France), l’Institut Max Planck dédié à l’Astronomie (MPIA, Allemagne), l’Université de Cologne (Allemagne), le CENTRA–Centre d’Astrophysique et de Gravitation (Portugal) et l’ESO.
Mis à jour le 9 novembre 2020