Les réserves naturelles attirent le gibier ... et les chasseurs

Dans une étude à paraître en mars 2012 dans la revue Ecological Applications, une équipe franco-suisse dont font partie des chercheurs du LECA, ont analysé l’impact des réserves naturelles sur des sangliers mais aussi sur les chasseurs. Il ressort que ces zones refuges attirent le gibier mais aussi, à leur périphérie, les prédateurs humains, ce qui peut rendre ces réserves plus risquées pour les animaux qu’il n’y paraît.

L’existence d’aires protégées est souvent nécessaire pour une gestion durable des populations animales.
Ces zones offrent aux animaux la possibilité d’éviter les risques induits par l’homme, tout en permettant à d’éventuels exploitants (chasseurs, pêcheurs) de bénéficier à terme d’un possible « trop plein » de ces réserves. Pour comprendre comment ces zones-refuges modèlent les interactions spatiales entre chasseurs et chassés et comment elles influent sur la mortalité des animaux, les chercheurs ont utilisé le concept de « jeu spatial », un concept initialement développé pour les systèmes naturels de type prédateur-proie. Dans ce jeu spatial, un prédateur libre de tout mouvement chasse les proies jusque dans leurs habitats préférés, à moins qu’il ne rencontre de fortes contraintes spatiales (dans le cas présent, l’habitat « inaccessible » que constitue la réserve) permettant aux proies de l’éviter. La présence de ces refuges risque néanmoins d’attirer fortement les prédateurs à leur périphérie, ce qui pourrait remettre en question leur intérêt en termes de survie pour les proies.

L’étude a suivi les interactions spatiales entre une population de sangliers et des chasseurs
© Sébastien De Dagneli

_ A l’aide de colliers GPS et radio VHF, les auteurs de l’étude ont localisé, dans le bassin genevois, des sangliers et les chiens de chasse utilisés lors de battues. Ils ont donc pu mesurer l’impact d’une petite réserve naturelle tant sur le gibier que sur les chasseurs. Les résultats montrent que les chasseurs intensifient leurs efforts dans la proche périphérie de la zone protégée, aboutissant à une plus forte exposition au risque pour les animaux en bordure de la réserve. Si les sangliers adultes voient leur mortalité baisser à proximité de l’aire protégée, les animaux plus jeunes paient un lourd tribut et subissent les conséquences de l’intensification de l’effort de chasse en lisière de la réserve.

Cette stratégie de distribution spatiale des hommes, similaire à celle de prédateurs naturels, remet en question l’efficacité de la réserve en tant que refuge lorsque sa périphérie est très exploitée. Augmenter la taille des réserves ou limiter l’exploitation dans une zone tampon périphérique devrait réduire ces effets de bord et contribuer à l’exploitation durable des espèces en assurant la pérennité des populations protégées dans ces zones. Le concept de jeu spatial entre prédateur et proie représente donc un champ théorique prometteur, permettant la compréhension des interactions spatiales entre l’homme et les espèces qu’il exploite ainsi que le développement de méthodes d’exploitation durable des ressources.

Référence
Predator-prey spatial game as a tool to understand the effects of protected areas on harvesterwildlife interactions. Vincent Tolon1, 2, Jodie Martin2, Stéphane Dray2, Anne Loison1, Claude Fischer3 & Eric Baubet 4. Ecological Applications, mars 2012.

1 Laboratoire d’écologie alpine (CNRS/Université Joseph Fourier Grenoble 1/Université de Savoie)
2 Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/INRIA/VetAgro Sup)
3 Haute Ecole du Paysage, d’Ingénierie et d’Architecture de Genève, Département de Gestion de la Nature
4 Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Centre National d’Etude et de Recherche Appliquée - Cervidés et sanglier

Contact
Vincent Tolon, LECA
vincent.tolon gmail.com

Autre contact
Voir le communiqué CNRS

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Mis à jour le 5 mars 2012