Sur les traces du "recyclage" du volcanisme des îles océaniques...

un indice emprisonné dans les cristaux d’olivine des laves d’Hawaii !

Une source jeune pour le panache à l’origine des volcans d’Hawaii.
En analysant la composition isotopique du strontium des verres magmatiques emprisonnés en inclusion dans des cristaux d’olivines contenus dans les laves du Mauna Loa, volcans d’Hawaii, un chercheur de l’ISTerre et ses collègues internationaux montrent que les roches qui ont alimenté le panache du manteau, responsable des volcans d’Hawaii, sont héritées de roches océaniques contaminées par de l’eau de mer pas plus ancienne que 200 à 650 millions d’années. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature le 25 août 2011.

La subduction, qui entraine la croûte océanique et le manteau le plus superficiel profondément dans l’intérieur de la Terre, est un des processus essentiel qui gouverne la tectonique des plaques de notre planète. Par ce mécanisme, une grande quantité d’éléments chimiques provenant de la surface terrestre est transportée jusqu’à la limite entre le manteau et le noyau de la Terre, soit environ 2900 km.

Au début des années quatre-vingt, deux chercheurs, le scientifique allemand A.W. Hofmann et le scientifique américain W. M. White ont proposé que le matériel de la croûte ainsi subductée soit recyclé vers la surface par les courants chauds de la convection du manteau qui participent au refroidissement de la Terre. Ces courants, appelés panaches du manteau, sont à l’origine de la plupart des îles océaniques comme Hawaii, l’Islande ou La Réunion.

Ce recyclage de la croûte océanique par la subduction, la convection du manteau, la fusion dans les panaches ascendants est un mécanisme très largement accepté pour expliquer le volcanisme des îles océaniques. L’échelle de temps de ce recyclage est importante pour notre compréhension des vitesses de circulation du manteau.

Cristal d’olivine du volcan Mauna Loa, Hawaii.
Les formes brunes ovales sont des inclusions de verres solidifiés, provenant du magma emprisonné comme des gouttes par le cristal d’olivine au moment de sa croissance. Ces verres contiennent les rapports isotopiques du strontium qui sont hérités d’une eau de mer vieille de 500 millions d’années. © Sobolev, ISTerre-OSUG, CNRS/UJF.

L’analyse géochimique des corrélations isotopiques du plomb (issu de la désintégration de l’uranium) dans des laves d’îles océaniques telles qu’Hawaii ou l’Islande avait conduit les spécialistes à dater la différenciation des sources à l’origine de ces laves entre 1 and 2.5 Ga. Toutefois, si de telles corrélations sont produites par le mélange de composants du manteau indépendants, ces âges n’ont pas de signification.

Par ailleurs, les âges basés sur la désintégration du Rhénium en Osmium (modèle Re-Os) prennent en compte le mélange de sources aux histoires différentes, mais ils dépendent de l’hypothèse faite sur la valeur du rapport initial Re/Os de la croûte subductée, qui est difficile à déterminer du fait de la grande mobilité du rhénium durant la subduction. Par conséquent, les âges des composants recyclés sont mal connus. Tout comme l’est l’échelle spatiale des hétérogénéités du manteau produites par ces matériaux recyclés.

Les auteurs de cette étude ont analysé pour la première fois les rapports isotopiques 87Sr/86Sr, 208Pb/207Pb/206Pb de plus d’une centaine d’inclusions vitreuses présentes dans des phénocristaux d’olivine provenant de laves du Mauna Loa, volcan d’Hawaii, représentant le point chaud typique le mieux étudié. Ces inclusions sont des gouttes de magma capturées par les cristaux d’olivine au moment de leur croissance, puis solidifiées à la suite du refroidissement du cristal.

Alexander Sobolev de l’ISTerre-OSUG (CNRS/UJF/IFFSTAR/IRD/U.Savoie) et ses collègues du Max Planck Institute for Chemistry (Germany), de l’Académie des sciences de Russie (Moscou, Novosibirsk) et du Lamont Doherty Earth Observatory (USA) ont constaté que les variations des compositions isotopiques des verres magmatiques ainsi emprisonnés en inclusion dans les olivines d’un seul échantillon de lave, sont plus grandes que la gamme connue pour l’ensemble des volcans d’Hawaii. Cette découverte suggère que le manteau est largement plus hétérogène à petite échelle spatiale qu’on ne le pensait auparavant. Ces hétérogénéités ne sont préservées que dans les inclusions vitreuses, protégées par l’olivine hôte des processus externes, tandis que cette diversité disparait dans les laves du fait de leur complète fusion.

Par ailleurs, ils ont découvert que certaines inclusions (les plus pauvres en rubidium) présentaient une composition isotopique en strontium typique d’une eau de mer vieille de 200 à 650 millions d’années. Pour les auteurs, ceci marque le moment de la contamination par l’eau de mer des roches qui ont été entrainées dans la subduction et ont contaminé à leur tour les roches profondes à l’origine des laves du Mauna Loa. Ce qui signifie que les roches qui en profondeur alimentent le panache d’Hawaii, sont relativement jeunes.
Ils en concluent également que l’échelle de temps de la circulation générale dans le manteau est en moyenne de 1 à 3 cm/an, beaucoup plus rapide que ne le pensaient certains spécialistes, et tout à fait similaire à la vitesse des plaques tectoniques.


Référence :
A young source for the Hawaiian plume
Alexander V. Sobolev (1,2,3), Albrecht W. Hofmann (2,4), Klaus Peter Jochum (2), Dmitry V. Kuzmin (2,5) & Brigitte Stoll (2)
(1) ISTerre, Université Joseph Fourier, Grenoble 1 - CNRS-INSU,
(2) Max Planck Institute for Chemistry, Germany.
(3) V.I. Vernadsky Institute of Geochemistry and Analytical Chemistry, Russian Academy of Sciences, Russia.
(4- Lamont Doherty Earth Observatory, USA.
(5) V.S. Sobolev Institute of Geology and Mineralogy, Siberian Branch of Russian Academy of Sciences, Russia.
Nature, v 476, 25 August 2011, pp 434-437.

Emetteur et relais :

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Mis à jour le 6 novembre 2011